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208 ALFEED BINET : LA BECTIFICATION dans les illusions d'optique, on a le phenomene inverse. Ajustons 1 dans une monture de lunette deux prismes de verre, dont les angles refringents soient de 16 a 18, et tournes a gauche ; vus a travers ces deux prismes, tous les objets du champ visuel paraissent deplaces vers la gauche. Mais la main peut rectifier cette fausse apparence en con- statant que les objets n'occupent pas le point du champ visuel ou on les localise. Dans ce cas, peut-on dire que le toucher rectifie la vue? Non, car la vue lie nous trompe pas ; aucun sens ne nous trompe. L'ceil ne possede pas la faculte innee d'apprecier la position relative des corps dans 1'espace ; et par consequent la fausse appreciation de cette position ne provient pas de 1'ceil, mais de 1'esprit. L'illusion a consiste dans le fait de combiner avec les sensations visu- elles une notion fausse de la direction des objets ; cette notion, cette representation de 1'esprit est, dans sa nature, tactile et musculaire ; elle est formee par le renouvellement d'impressions du toucher et du sens musculaire qui out ete eprouvees a une epoque anterieure. II est done naturel que la main puisse rectifier une telle representation quand elle est fausse. On constate que lorsqu'on a repete 1'experience du prisme un certain nombre de fois, en touchant les objets sous la direction du regard, on parvient a tenir compte de la devia- tion des rayons lumineux ; en recommen9ant 1'experience avec les yeux fermes, on ne passe plus a cote des objets, comme en debutant, mais on les atteint exactement. Lorsqu'on est arrive a ce point, qu'on retire la main, et apres avoir regarde un objet pendant quelque temps sans 1'intermediaire des prismes, qu'on essaye de le saisir en tenant les yeux fermes : la main passe a droite. II y a un point delicat dans 1'interpretation de cette serie d' experiences. On pourrait croire que nous avons cesse d'apprecier la position exacte de notre main et la direction exacte de la ligne qu'elle parcourt, et que c'est a ce prix que 1'accord s'est etabli entre le toucher et la perception visuelle. Cela reviendrait a admettre que la representation mentale de la direction des objets, au lieu d'etre corrigee par 1'experience reelle de cette direction, peut fausser et denaturer cette ex- perience. Helmholtz a pris de soin de rerater cette objection. 2 II a montre que c'est la representation mentale qui re9oit, a la suite des tatonnements de la main pour saisir 1'objet, la modification qui la fait correspondre a la position vraie des 1 Helmholtz, Optiqm physiologique, p. 765 de la tracluction fran^aise. 2 Helmholtz, ibid.