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TORQUEMADA
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Comme le vêtement d'un homme assassiné,
Gloire à Dieu! Mais faut-il qu'avec le nouveau-né,
Avec l'enfant qu'on tette, avec l'enfant qu'on'sèvre,
Nu, poussant devant lui son chien, son bœuf, sa chèvre,
Israël fuie et coure épars dans tous les sens!
Qu'on ne soit plus un peuple et qu'on soit des passants!
Rois, ne nous faites pas chasser à coups des piques,
Et Dieu vous ouvrira des portes magnifiques.
Ayez pitié de nous. Nous sommes accablés.
Nous ne verrons donc plus nos arbres et nos blés!
Les mères n'auront plus de lait dans leurs mamelles!
Les bêtes dans les bois sont avec leurs femelles,
Les nids dorment heureux sous les branches blottis,
On laisse en paix la biche allaiter ses petits,
Permettez-nous de vivre aussi, nous, dans nos caves,
Sous nos pauvres toits, presque au bagne et presque esclaves,
Mais auprès des cercueils de nos pères! daignez
Nous souffrir sous vos pieds de nos larmes baignés!
Oh! la dispersion sur les routes lointaines,
Quel deuil! Permettez-nous de boire à nos fontaines
Et de vivre en nos champs, et vous prospérerez.
Hélas! nous nous tordons les bras, désespérés!
Epargnez-nous l'exil, ô rois, et l'agonie
De la solitude âpre, éternelle, infinie!
Laissez-nous la patrie et laissez-nous le ciel!
Le pain sur qui l'on pleure en mangeant est du fiel.
Ne soyez pas le vent si nous sommes la cendre.
Voici notre rançon, hélas! daignez la prendre.
O rois, protégez-nous. Voyez nos désespoirs.
Soyez sur nous, mais non comme des anges noirs;
Soyez des anges bons et doux, car l'aile sombre
Et l'aile blanche, ô rois, ne font pas la même ombre.
Révoquez votre arrêt. Rois, nous vous supplions
Par vos aïeux sacrés, grands comme les lions,
Par les tombeaux des rois, parles tombeaux des reines,
Profonds et pénétrés de lumières sereines,