Protestant Exiles from France/Volume 1 - Appendix 1

2724683Protestant Exiles from France — Volume 1 - Appendix 1David Carnegie Andrew Agnew

APPENDIX.


EXTRACTS FROM CAPTAIN-GENERAL THE DUKE OF SCHOMBERG’S DESPATCHES.

No. 1.Highlake, le 9 Aoust 1689. — Les vaisseaux de vivres destinés pour Londonderry et pour Kirck n’ ont pu partir que ce matin. Ce qui cause bien de l’embarras est, qu’il n’y a pas d’ordre ici de l’Amirauté pour les vivres des vaisseaux de guerre qui sont presque finis; il a fallu en prendre de nôtres. J’ ai été forcé de faire donner presqu’ à tous les regiments cinq cent mousquets ou fusils, tant parce que les nouveaux soldâts les rompent, que parce qu’ils sont assez malfaits et fort vieux, et que peut-être Sieur Henry Shales, qui en a eu l’inspection, peut avoir pris des presents pour recevoir de méchantes armes.

No. 2.Carrickfergas, le 26 Aoust 1689. — Je ne puis pas passer sous silence que Messieurs Goulon et Cambon m’ont donné beaucoup de peine. II se trouve que le premier est un peu brutal, et que le dernier est chicanier sur ses mathématiques; à cela ce joint une ancienne rancune qu’ils out l’un contre l’autre depuis Hollande. Je les ai pourtant un peu pressés de demeurer à leur devoir, et que ce qu’on ne leur souffriroit pas en France, ou ils ont servi, je ne leur suffrirois pas aussi ici. Cambon m’ayant dit qu’il ne vouloit pas servir d’Ingénieur, je lui ai repondu qu’on se pourroit passer de lui aussi bien d’être Colonel d’un regiment Francois, et s'il ne se tenoit point en son devoir j’en avertirois Votre Majesté.

No. 3.Carrickfergus, le 27 Aoust 1689. — Je crois qu’il faudra laisser ici Sir Henry Inglesby, avec son regiment qui n’est pas des meilleurs. J’avois eu quelque dessein de le faire Brigadier, mais j’ai trouvé qu’il y a trop long temps qu’il est hors d’action. J’ai fait servir dans ce siège Mr de la Melonnière comme Brigadier; nous aurions besoin encore de quelques autres, mais je n’en vois point dans cette armée ici. On m’a dit que dans les regiments qui sont avec Kirck, le Colonel Stewart pourroit y être propre. Votre Majesté me mandera sur tous les deux sa volonté, car jusques à ici il a fallu avoir tout le soin des vivres, des vaisseaux, de l’artillerie, de la cavallerie, de tous les payements, et de tout le détail de l’attaque de la place. Si on venoit plus pres d’un ennemi, on auroit peine de fournir a tout cela; les officiers de l’artillerie sont ignorans, paresseux et craintifs. Je découvre que dans cette artillerie il y a beaucoup de tromperie, les bombes mal-chargés, les canons d’ une méchante fonte, les armes malfaites, et bien d’autres choses, qui sont trop longues à dire à Votre Majesté, à quoi je crois que Sieur Henry Shales a beaucoup contribué; car jusques aux mineurs on ne les a pas pu attacher à la muraille; un officier et quatre soldâts Francois l’ont entrepris, et en sont venus à bout, dont trois ont été blessés par nos gens. J’ai fait faire la charge de Quartier-Maitre-General à Sieur de Cambon; nous n’en avons pas de meilleur ici pour cela. Jusques ici les chevaux et le bagage de nos officiers n’est point arrivé; cela nous embarassera un peu, pour avancer au dela de Belfast.

No. 4.Dundalk, le 20 Sept. 1689. — Votre Majesté recevra par Mr de Schrabemor deux de mes mémoires, et s’il court la poste, elle sere encore mieux informee par lui. Depuis quatre jours qu’il est parti il ne s’est rien passé de considerable. On a fourragè à la vue de la garde des ennemis; cela n’est pas fort difficile à faire, puisque c’est un pays traversé de petits marais, les chemins et les champs renfermés par des pierres et de la terre [by stone-dykes and banks of earth]. Je ne sais si cela est la cause que les ennemis n’ont pas avancé depuis quatre jours; je crois qu’il est difficile d’en venir à un bataille en ce pays ici, quoiqu ’ils aient une armée (à ce qu’on peut voir) fort étendue. Je ne vois pas de notre côté nous devions aussi rien hazarder. Nous avons une petite rivière devant nous, et eux une.

Etant allés ce matin trouver le Comte de Schonberg qui etoit assez prôche des vedettes des ennemis, nous avons vu avancer un gros de cavallerie qui ne marchoit point en escadron, qui nous a paru être le Roi Jacques ou divers Officiers Generaux. Ils ont dela pu voir notre camp; mais je crois que ce qui leur aura le plus deplu est qu’ils ont vu arriver onze vaisseaux à la rade de Dundalk, par ou ils auront pu juger qu’ils auront peine a nous affamer ici comme ils l’esperoient. II est difficile de juger ce qu’ils entreprendront après avoir campe cinq jours à deux milles de cette armée, avec un si grand nombre de monde qu’ils ont ramasse de tous côtés, et fait courir le bruit qu’ils venoient nous attaquer. II y en a qui croient à present que c’est pour détruire et manger tous les fourrages entre cette place et Drogheda, pour nous empêcher d’en pouvoir en suite approcher avec notre armée. Cela ne laissera pas de nous embarasser, et il sembleroit par la que s’ils demeureroient derrière Drogheda, ou ils trouveront de fourrage et des vivres, ils nous tiendront arrêtés sans beaucoup pouvoir avancer, et d’autant plus que Mr. Shales ne nous a pas encore envoyé les chevaux, ni les chariôts pour porter nos vivres. II nous manque même une partie des chevaux de l’artillerie et des équipages d’officiers, comme aussi des Officiers Francois de Cavallerie, qui attend il y a long temps pour passer. Cependant la saison s’avance pour camper sous les tentes, et cela déviendra dans un mois assez difficile.

Deux cavalliers des ennemis, qui viennent de se rendre, disent qu’ils ont rencontre cinq de nos soldats qui alloient aux ennemis. Par les habillements je juge que c’est de Mylord Meath. On dit que les ennemis sont assurés de deux de nos regiments, et que si nous en approchons ils s’iront rendre. S’ils pretendent nous affamer, ce ne sera pas à l’égard des hommes, nos vaisseaux etant arrivés dans cette Baie; mais ce sera nos chevaux, par lesquels on se trouvera indubitablement dans un grand embarras. Ce matin un parti des ennemis est venu assez prêt de la garde; un détachement de vingt-cinq dragons les ont repoussés, et leur ont tué un homme et un cheval. Ils sont fort au guet pour voir si nous fourrageons de leur côté.

Le regiment de dragons de Lucan est celui qui sert le mieux ici. Les troupes d’Enniskillen, qui sont en partie arrivées, paroissent de bonne volonté; et je crois qu’il y aura plus de fond à faire sur elles que sur les regiments de Mylords Irlandois. Harbord est aussi arrivé; nous allons travailler avec lui pour établir une paye pour ces troupes d’Enniskillen. II vaudroit mieux casser quelques regiments de ces nouvelles levées d’Angleterre dont je viens de parler, et conserver tous les Enniskillens. J’espère que leurs habits viendront bientôt, ils paroitront beaucoup mieux. Ils me paroissent tous fort-adroits à tirer, s’ils avoient des fusils. Ce que nous manquons le plus dans cette armée sont des souliers et fers-de-chevaux. Je souhatrois que les troupes de Dannemark, et celles que Votre Majesté a ordonné qu’ils vinssent d’Ecosse, fussent arrivées. Avec cela nous nous approcherions fort-près d’eux.

Il n’ y a pas un officier de toute la cavallerie capable d’être employé comme Brigadier; cependant le Comte de Schonberg auroit besoin d’en avoir un de quelque conduite pour en être soulagé. Si Sir Jean Lanier vient, il pourra en être aidé dans l’infanterie. On a été obligé pour tenir quelque ordre d’en établir quatre, savoir Sir Henry Bellasis, La Melonnière, Stuart et Sir John Stewart. Il faut aussi faire souvenir Votre Majesté, d’un article que j’ai mis dans mon memoire, de Robert Broadnax, Major du regiment de Mylord Delamere; ce regiment dépérit entièrement; et le Major n’est pas digne de le commander, comme le Sieur de Schravemor le pourra dire à Votre Majesté qui l’a connu en Hollande. J’ai cru qu’il étoit bon d’envoyer à Votre Majesté un petit papier, ou elle verra les officiers que Mylord Delamere lui a mandé de remplacer au lieu de ceux qui manquent. Je tacherai de voir si demain je puis persuader le dit Broadnax de s’en aller trouver le Sieur Blathwait pour faire lui-même ses propositions; et je crois qu’il sera bon qu’il ne retourne plus. II y a bien encore d’autres officiers que je voudrois qu’ils fussent en Angleterre. Je n’en ai jamais vu de plus méchants et de plus interessés; tout le soin des Colonels n’est que de vivre de leurs regiments, sans aucune autre application.

No. 5. — 21 Septembre.— Ce matin quelques escadrons des ennemis ont paru proche de ce camp, un marais entre-deux, et ensuite trois ou quatre regiments d’infanterie dont nous avons vu les drapeaux, et par leurs cris nous avons jugé que le Roi Jacques passoit devant leurs bataillons. Ces troupes-là ont demeuré à notre vue sur un coteau jusques à deux heures après-midi, lorsqu ’elles ont commencé a se retirer. Je crois que dans tous ces mouvements-la il y a quelques desseins pour tâcher d’attirer quelques déserteurs de notre armée, ayant fait jeter même quantité de billets imprimes, Anglois et Francois. Cela m’a obligé d’examiner de plus-près les regiments d’infanterie Francois, et j’ai trouvé que la plûpart des recrues, qu’on a fait des déserteurs du côté de Bruxelles et Frankfort, étoit des Papistes, et que parmi eux il s’en est trouvé un qui a été capitaine de cavallerie en France, lequel avoit écrit une lettre à Roi Jacques et une a Mr. D’Avaux, qu’on a trouvé entre les mains qui les devoit porter. Leur procès sera fait demain. Après avoir découvert cela, et qu’il y avoit dans ces regiments quantité de Papistes qui avoient caché leur religion, j’en ai fait arrêter la nuit-passée plus de cent-vingt, que j’ai fait conduire a Carlingford pour les mettre dans les vaisseaux de guerre qui doivent retourner à Highlake, et j’ai écrit au Gouverneur de Chester de les garder sûrement jusqu ’à ce que Votre Majesté en dispose; ils meriteroient qu’on les envoyât aux Indes, comme ils ont envoyé les Protestants en Amerique. Non-obstant ce retranchement et cette examination, les bataillons ne laissent pas encore d’être plus forts que ceux des Anglois.

No. 6. — le 27 Septembre. — Mr. Shales étant enfin arrivé a Carlingford, Mr. Harbord et moi avons été d’avis d’attendre que nous le vissions parler, pour savoir ce qu’il a amené. L’on a été avant-hier au fourrage sans que les ennemis aient paru; mais hier ils sont venus avec leur cavallerie et quelque infanterie brûler le fourrage qui restoit entre eux et nous sur leur droit tirant vers la mer. J’ai évité de faire ce fourrage apprehendant que toute leur cavallerie ne me tombât sur les bras, pendant que tous nos fourrageurs seroient epars dans la campagne. Ils l’ont même brûlé jusqu’ assez proche de leur camp, et deux ou trois petits villages entre eux et nous (par ce qu’on peut apprendre de deux rendus). Ils ont aussi leurs manquements. Le pain ne se peut pas donner regulièrement dans leur armée à tant de peuple ramassé, qui a cru qu’on en viendroit d’abord ici à une bataille. On ne peut pas bien conter sur tout cela, puisque (d’un autre côté) ce peuple ramasse vive encore de quelque bétail, et ils brûlent la paille ou est le grain, lequel parla se durcit, et en font de la farine et ensuite des galettes à la mode du pays. Nos manquements jusqu’ ici sont en habits et en souliers, ce que je crois contribuer autant à la maladie des soldâts que la Bière nouvelle, à quoi contribue grandement le peu de soin de leurs Colonels, quoique je leur en parle souvent. Cela m’a fait juger à propos de faire une revue à toute l’armée, afin que Mr. Harbord puisse payer la-dessus. J’en enverrai l’étât a Votre Majesté.

Ce que je puis juger de l’étât de l’ennemi est que le Roi Jacques, ayant ramassé en ce royaume tout ce qu’il a pu, voudroit bien en venir à une bataille avant que ses troupes se pussent dissiper par la mauvaise saison dans laquelle nous allons entrer. Pour cela il me semble que nous devons tenir bride en main ici, si Votre Majesté l’approuve ainsi, puisqu’il nous doit encore arriver des troupes d’Ecosse et ceux de Dannemark même; et la même raison qui empêche les ennemis de pouvoir m’obliger a une bataille (puisqu’il faut qu’ils viennent à moi par deux ou trois grands chemins seulement, le reste étant entrecoupé de marais) m’empêche aussi d’aller à eux, ayant une petite rivière et quelques montagnes devant eux. Si neanmoins ils opiniâtrent de demeurer en ce poste, le fourrage pour la cavallerie pourra nous manquer; en ce cas je serai obligé d’en énvoyer la plus grande part à vingt milles d’ici du côté de Charlemont, que je pourrai faire assiéger en même temps pour n’avoir rien derrière nous qui nous incommode; et en me retranchant un peu mieux que je le suis encore, je pourrai bien demeurer en ce camp ici sans que les ennemis m’y puissent forcer.

L’armée du Rois Jacques, s’étant venue présenter diverses fois assez proche de ce camp, semble avoir eu quelqu’ espérance que quelques troupes pourroient plus facilement s’aller rendre a lui. J’ai eu quelque soupçon du regiment de Mylord Meath, parcequ’ils s’étoient allés rendre quelques soldâts les nuits auparavant. Pour m’ôter cette inquietude le Colonel Woolsley m’a proposé d’envoyer ce regiment à Enniskillen et de faire venir un regiment dela en sa place.

No. 7.à Dundalk, le 3 Octobre 1689. — Je suis de l’opinion de V.M. que l’armée ennemie ne nous attaquera pas ici; mais il ne sera pas moins difficile que nous la puissions attaquer dans le poste ou elle est. Elle est campée en deça d’Ardee à une lieue de nous, une petite rivière devant elle. À trois ou quatres gués qu’il y a, ils ont fait des retranchements; et je ne doute pas (comme V.M. le dit en sa lettre) que leur dessein est de couvrir Dublin et que le manque de fourrage nous obligera de reculer. Quand je n’aurai que l’infantérie seule avec moi, ils ne pourront pas me faire sortir d’ici; mais je serai obligé dans peu de jours d’envoyer la plûpart de la cavallerie, qui n’est pas en grand nombre, dans la Comté de Down, d’ou en deux petites journées on la peut toujours avoir ici; et comme il y a un gué au dessus de Carlingford, on peut même l’avoir en moins de temps. Les chevaux, par le couvert qu’ils y trouveront, se conserveront un peu mieux qu’ici, les officiers prenant (outre cela) peu de soin, laissant toujours aller leurs cavaliers à toute bride, et ne savant pas fourrager ni faire des trousses, ce qui a été cause que nous n’ avons jamais pu faire de provisions plus que pour deux jours.

Pour ce qui est de pouvoir marcher aux ennemis, jusques ici cela ne s’est pas pu faire, n’ayant pas eu un seul chariot pour porter des vivres. Et quant à chemin qu’il faudra tenir, toutes gens du pays pourront dire à V.M. qu’on est toujours obligé de defiler par un grand chemin, des marais à droit et à gauche; il ne s ’est jamais vu un tel pays. Et pour pouvoir aller jusqu’ à Navan que V.M. verra sur la carte, il faut faire un fort grand tour, et les ennemis en deux petites journeés de marche y arriveront deux jours devant nous. Par la gauche on ne peut point marcher que le long de leur rivière pour nous en empêcher le passage.

II y a dans cette armée environ mille malades, compris quelques blessés qu ’on a laissé à Belfast; ils commencent à en revenir, et il en meurt peu. J’ai peine à croire que les ennemis n’aient aussi des malades, et qu’il ne leur coute plus de peine à porter leurs vivres de Dublin que nous de les tirer des vaisseaux qui sont ici proche, et à conserver ses troupes avec la monnoie de cuivre pendant que celle de V.M. est bien payée.

V.M. mande qu’elle envoie quelques troupes d’Ecosse; pendant que celles là arriveront, peutêtre celles de Dannemarck viendront-elles. Par la on hasarderoit moins en leur donnant une bataille, et la guerre s’en finiroit plus surement. Ce n’est peutêtre pas l’opinion du conseil des Comités d’Irlande, ni de quelques personnes de Londres, qui croyent qu’il n’y a que donner une bataille pour la gagner.

Monsieur Harbord s’est chargé d’envoyer à V.M. la revue que j’ai fait faire depuis deux jours de l’armée de V.M. Elle y paroitia plus nombreuse qu’elle n’est, les Colonels étant fort habiles en matière de montres. Quoique les troupes d’Enniskillen ne paroissent pas à cause de leurs habits, elles sont neanmoins assez vigoureuses; elles ont défait quelques troupes des ennemis du côté de Boyle et Jamestown. Ce sera aussi Mr. Harbord qui rendra compte à V.M. du traité que nous avons fait avec eux; mais il me semble qu’ils ne s’en contentent pas, pretendants ne pouvoir servir à ce petit prix, ainsi que V.M. verra par un écrit qu’ils m’ont donné en presence du Sieur Harbord lequel s’est chargé de lui envoyer. J’ai donné le regiment de Norfolk à Mr. Bellasis, ainsi que V.M. me l’a ordonné. Le Lieutenant-Colonel, qui est un jeune homme de ce nom, se plaint fort; je l’ai exhorté de ne pas quitter, et que V.M. feroit quelque chose pour lui dans les premières occasions. Je dis hier a Mylord Meath que j’avois eu ordre exprés de V.M. de donner les regiments à ceux que je croirois les mieux appliqués au service, quand je verrois que leurs Colonels les negligent.

No. 8.Dundalk, le 6 Octobre 1689. — V.M. pourra voir par le mémoire que j’ai ecrit de ma main du quatre, que ces raisons-là m’ont fait penser à marcher vers la rivière de Shannon; ce sera peutêtre encore le meilleur de ce qu’on pourra faire, aumoins que d’aller chercher les ennemis et leur donner un bataille; car il me paroit que V.M. est du sentiment que l’on les pousse, avant que cette armée déperisse par les maladies, ou que les sécours qu’ils pourroient espèrer de France viennent. J’aurois fort envie de faire les choses pour lesquelles V.M. montre plus de penchant, et j’aurois marché des demain; mais (comme V.M. aura vu) par les avis des Officiers Generaux que toute l’armée est sans souliers, et qu’on ne feroit pas deux journées de marche que la moitié demeureroit pied-nud, il faut attendre qu’ils nous en viennent d’Angleterre ou Mr. Harbord a envoyé; cela nous fait perdre l’occasion de marcher en même temps sur la droite vers la rivière de Shannon, pendant que les ennemis s’eloignent de nous. Je laisse à part les autres difficultes qu’il faudra tâcher de surmonter le mieux qu’on pourra. J’en ai fait mention dans mon mémoire, qui sont, que les chariots de vivres ne sont pas tous arrivés, les chévaux de ceux qui le sont sont même en fort-mechant étât. Shales dit qu’il a été obligé de s’en servir toujours à Chester, n’en ayant pas pu trouver à louer; j’ai deja dit qu’il n’avoit pas aussi pris soin de faire embarquer cent vingt chevaux de l’artillerie qui restent encore là.

No. 9.Dundalk, le 8 Octobre 1689. — Quand je relis les deux dernières lettres de V.M. des 2 and 6 Octobre, je trouve qu’elle auroit envie qu’on poussât les ennemis. Je lui ai deja mandé que cela étoit difficile à faire en un pays ou on ne peut aller a eux que par deux ou trois grands chemins, le reste ètant partagé par des marais et des montagnes. Mais il y a encore d’autres circonstances à répresenter à V.M., qui sont, que j’ai peine à commettre son armée contre une autre qui est (comme tout le monde sait en ce pays ici) au moins double en nombre de la notre, dont une partie est disciplines et assez-bien armée, et jusques ici mieux nourrie que la notre en pain, viande et bière; mais ce qu’il y a de plus facheux est que les Colonels qui ont nouvellement levé des regiments, et particulièrement les Mylords Irlandois, n’ont regardé que d’avoir des garcons à bon marché. C’est ce que j’ai bien prevu lorsqu’on leur donna leurs commissions; mais l’avis de Monsieur [le Marquis de] Halifax fut plutot suivi que le mien. Je ne parle point de souliers, en ayant deja fait mention en tous mes mémoires. Mais si l’incapacité de ces officiers est grande, leur inapplication et leur paresse l’est encore davantage. Quoique la cavallerie ne soit pas si nouvellement levée, les officiers ne prennent néanmoins point soin des chevaux de leurs cavaliers, et tous sont si accoutumés à loger dans les cabarets partout ou ils marchent, que cette manière de guerre les étonne. Je suis fâché d’importuner V.M. de tous ces détails; mais je crois que c’est mon devoir de l’en informer afin qu’elle voie par la les raisons pourquoi j’ai peine de me résoudre a decider de tout part une bataille.

J’espere qu’ à toute heure ce qui nous reste de chevaux d’artillerie et de vivres et les troupes Ecossaises arriveront, et que les souliers qui sont achetés (il-y-a plus de deux mois) se retrouveront. Sans faire valoir mes services ni mettre en conte les chagrins que j’ai eu, ce n’a pas été sans peine que je suis venu ici, et d’y avoir pu demeurer presque sans pain. Il auroit été bien difficile d’aller en avant sans aucuns chariots de vivres. Et comme il y avoit un ruisseau entre les ennemis et nous, j’aurois peutêtre été oblige de faire un pas en arrière, qui auroit eu de méchantes suites.

A ce que l’on peut juger, les ennemis tachent de consommer et brûler tout le fourrage qui est autour d’eux et qu’ils continueront de faire de même jusqu’ auprès de Drogheda.

No. 10. — 12 Octobre. — Je vois par la lettre de V.M. qu’elle est informée que nous avons beaucoup plus de malades dans cette armée qu’il n’y en a, et pour ne pas attendre qu’il y en ait davantage, il faudroit pousser les choses le plus qu’on peut, en hasardant quelque chose. Si V.M. etoit bien informée de l’étât de notre armée, de celle des ennemis, du pays et de la situation de leur camp, je ne crois pas qu’elle voulût qu’on se hasardât a l’attaquer. Si cela ne réussissoit pas, l’armée de V.M. seroit perdue sans ressource. Je me sers de ce terme-là, car je ne crois pas que si le désordre s’y étoit une fois mis, qu’il fut aisé de la retablir. Rien ne sauroit donner à V.M. une plus forte idée de tout ceci, que le souvenir de toutes les troupes nouvellement levées dont généralement cette armée est composée.

Je vois aussi par la même lettre de V.M., que si on ne hasarde rien presentement cette guerre tireroit en longeur. Je suis bien faché de ne pouvoir pas trouver des expedients pour la finir. Il y auroit à craindre qu’en hasardant le tout pour le tout, et que cela ne réussit pas que les ennemis seroient bientôt maitres de toute l’lrlande. Je ne comprens pas qu’une si grande flotte d’Angleterre et d’Hollande, n’ayant rien fait tout cet été, ne puisse au moins garder les côtes d’Irlande et y faire une diversion par une descente, comme V.M. l’avoit toujours projété, et par la nous donner le temps d’attendre les troupes de Danemark pour se servir de toutes ses forces puisque V.M. les destine pour ici — lesquelles ne seroient plus d’un grand secours si nous avions perdu une bataille avant leur arrivée. Pour ce poste ici dont V.M. me parle, je puis bien le conserver avec l’infanterie seule, jusques à ce que Shales aie un peu mis ses chariots de vivres en meilleur étât, comme aussi les chevaux d’artillerie qu’on use de me dire être arrivés. Je crois que tout cela sera en etat dans huit jours, après quoi si les ennemis s’opiniatrent a demeurer à Ardee ou derrière Drogheda, V.M. peut bien juger que je ne puis faire autre chose que de marcher sur la rivière de Shannon, qui est le pays après Dublin qu’ils considèrent le plus.

A l’egard de ce que V.M. me mande des grandes desordres que les soldâts commettent, surtout les Francois — quand je suis arrivé en ce royaume je n’avois que six milles hommes, aucuns equipages, les officiers de l’armée pas un cheval. Après m’être rendu maitre de Belfast, j’ai marché aussitot pour assiéger Carrickfergus. J’ai été bien aise que les troupes trouvassent acheter quelques chevaux. Cela ne suffisoit pas au besoin. Tout le désordre qui peut s’être commis n’a été que prendre de pétits chevaux qu’ils trouvoient dans les champs, pendant que ceux de Londonderry et d’Enniskillen pilloient de leur côté, et les paysans dans les glinns [glens?] du leur. Parmi ceux qui ont pris quelques chevaux, il y peut avoir eu des Francois. Et je crois qu’on est bien aise par les lettres qu’on ecrit d’ici de mettre cela sur eux. Comme je ne prends le parti ni des uns ni des autres, il faut pourtant dire à V.M. que si nos Colonels Irlandois étoient aussi habiles à la guerre comme à envoyer piller en le pays et ne pas payer les soldâts ici, V.M. en seroit mieux servie; elle pourra être informée par d’autres que les trois regiments d’infanterie et celui de cavallerie Francois font mieux le service que les autres. J’ai travaillé toute cette semaine à regler ce que les capitaines doivent donner à leurs soldâts pour tacher d’empecher les chicanes qu’ils leur font. Leurs Colonels prennent si peu de soin de leurs regiments que la moitié des piques sont rompues, et les fusils et mousquets de même, de sorte que je suis forcé presentement de leur en donner d’autres de ceux que j’avois apporté avec moi.

Si on accordoit le congé à autant d’officiers qu’ils en usent, pour le demander, une grande partie de l’armée demeureroit sans officiers, les plupart affectant des incommodités ou des maladies, qui n’ont d’autre fondement que de s’ennuyer beaucoup ici.

Venant d’entretenir Mr. le Comte de Solms de la pensée que j’avois d’envoyer la plûpart de notre cavallerie du côté d’Armagh, il a trouvé une raison qui est considerable, que l’ennemi pourroit se mettre entre elle et nous, et qu’il vaudroit mieux attendre encore quelques jours, en donnant de l’avoine à notre cavallerie des vaisseaux, et voir si les ennemis ne marcheront pas d’Ardee à Drogheda, ou que peutêtre, en attendant un peu, les troupes de Dannemark arrivéroient; et cependant on pourvoiroit les soldâts des souliers et de meilleurs habits. En tout ceci je crois qu’un plus habile homme y seroit beaucoup embarrassé; car les ennemis ne sont pas seulement forts en nombre mais aussi sont bien disciplinés, et la situation des camps aussi bien choisie que des Generaux les plus habiles pourroient faire.

No. 11.Dundalk, le 4 Nov. 1é89. — Les troupes qui sont venues d’ Ecosse consistent en quatre regiments dont les chevaux sont fort fatigués; celui de Hastings n’a pas trois cents soldâts. Quand Ton auroit marché avec ces troupes ici, le pays est fait d’une manière que l’on ne peut obliger un ennemi à en venir a une bataille s’il ne le veut. II seroit à souhaiter que V.M. eut parlé à un homme qui connoit bien ce pays ici autour. Il n’est pas moins difficile que la Flandre pour obliger un ennemi à donner une bataille. Tant qu’il n’y aura pas un établissement fait avec des personnes à certains prix pour fournir le pain de munition, comme on fait en France, Flandre et ailleurs, il ne sera pas possible de soutenir cette guerre des que l’on s’ éloignera de la mer. Voila le principal article. Je ne dirai rien ici des autres defauts de cette armée. Je me suis donné bien des peines et des fatigues pour y remedier. La chose n’est pas aisée avec de tels officiers. Et il n’y a que la passion, les obligations, et le parfait devouement pour le service de V.M. qui puisse me faire supporter les chagrins et les peines, ou je me trouve.

No. 12.Lisburn, le 26 Decembre 1689. — Puisque j’ai commencé à parler de l’artillerie il faut dire à V.M. que je n’ai jamais vu tant de méchants officiers qu’il y en a. Ce qui peut avoir contribué à cela, c’est la paresse et l’inapplication aux détails de Goulon. Je veux croire qu’il entend à faire des mines et l’usage de la poudre, mais c’est le tout. Je crois être obligé en conscience a dire la verité a V.M.; le seul homme que j’ai ici dont je suis soulagé c’est le Commissaire Holloway, lequel j’ai fait contrôleur à la place d’un nommé Clark qui vient de mourir, ayant des ministres avec lui mais n’a pas voulu prier Dieu.

Pour les recrues de l’infanterie je suis toujours d’opinion que V.M. les fera meilleurs en Angleterre. Du temps de Cromwell il avoit cette commodité qu’il avoit plusiers regiments en Angleterre, d’ou il tiroit la moitié ou le tiers des soldâts pour ses recrues ici, lesquels savoient deja manier leurs amies. A quoi je dois encore ajouter cette consideration, que l’on fait courir le bruit en Angleterre que la peste est en Irlande, et ainsi et les soldâts et les officiers, levés par-çi et par-lá dans le pays, apprenant par les gens mal-intentionnés que la peste est dans ce pays-çi, ils deserteront. Mais quand la moitié d’un regiment tout-levé armée et exercée sera envoyee par V.M. a Highlake, il en desertera peu. Les regiments venus d’Ecosse n’auront pas moins besoin de recrues, étant arrivés ici fort foibles. Les Colonels Irlandois ont plus d’inclination pour les gens de leur pays, non pas parce qu’ils les connoissent plus braves dans une occasion, mais pour tirer plus de profit de leurs regiments. Nous avons vu par expèrience que vers le mois de Septembre les Irlandois desertoient tous pour aller faire leurs moissons. Les regiments de [le Vicomte de] Lisburne, Sanky, [le Comte de] Drogheda, [le Comte de] Roscommon et Belasis sont fort foibles. J’ai été oblige de rétirer ces deux derniers d’Armagh, n’y ayant pas trois cents hommes dans les deux. Quant a la cavallerie, nous avons examiné en presence de Messieurs Schravemor, Lanier et Kirk leur étât et fait un reglement, et en la maniere que l’on doit faire les recrues. Les officiers ne prennent pas soin de leurs cavaliers et à les obliger de prendre soin de leurs chevaux qu’ils ne se donnent pas la peine de penser.

Pour les farines, biscuits et avoines Van Humery travaille à faire un étât de ce que nous avons et ce que nous avons besoin. Je ne vois pas les peuples fort disposés à labourer leurs terres, quoiqu ’ils vendent bien tout ce qu’ils ont, et l’on tient une discipline si exacte qu’ils ne tirent que du profit du logement des gens de guerre. Cependant je crains que les peuples manqueront du pain dans le printemps; mais à mon avis on pourroit prevener ces manquements ici en permettant aux marchands de transporter d’Angleterre ici du blé, de l’avoine et des farines sans payer de droits, non seulement ici mais aussi du côté du nord, pour les peuples aussi bien que pour les soldâts, du côté de Belleck et Ballyshannon. Je suis obligé aussi d’informer V.M. que la negligence des officiers est cause que les soldâts ont perdu beaucoup d’armes, nonobstant le reglement que j’avois fait que les capitaines seroient obligés d’en racheter à leurs depens; et leur negligence a été si grande qu’ils sont venus en ce royaume sans porter une tente avec eux, se servant de celles qu’on leur avoit donné pour les soldâts. Les grandes pluies ayant presque tout pourri les dites tentes, il faudra en faire venir d’autres. Comme je ne me suis jamais trouvé dans une armée ou il y ait tant d’officiers nouveaux et paresseux, V.M. n’aura pas peine à croire que cela me donne beaucoup de peine et de chagrin. Si on cassoit tous ceux-là pour ce sujet comme ils le meritent, il en resteroit peu.

J’ai remarque dans tous ces embarquements ici, qu’il manquoit de gens appliqués pour avoir soin des vaisseaux marchands à Highlake pour embarquer les soldâts; quoiqu’ il y eût quelques envoyés de l’Amirauté pour cela, il seroit très necessaire aussi pour le service et l’epargne de V.M. qu’il y en eut deux ici pour avoir le soin de faire décharger promptement toutes les denrées qu’ils apportent, pour les renvoyer ou decharger si l’on n’en a plus besoin (cela me soulagera un peu des soins qu’il a fallu que ’ai pris) — comme aussi les petites vaisseaux de guerre qui prennent toujours le pretexte qu’il leur manque quelque chose pour n’aller pas au mer. V.M. a aussi besoin d’officiers de justice pour regler les desordres qui se commettent parmi les peuples qui sont paresseux et ne vivent que de vols et de pillage. Je ne trouve pas aussi que les ministres ecclesiastiques sont appliqués à leur devoir, pendant que les prêtres romains sont fort passionés à exhorter les peuples à combattre pour l’eglise Romaine et a se mettre a leur tête. Je crois que ce zêle du peuple Irlandois se trouvera à ce printemps un peu relenti, par le quantité de gens qu’on apprend qui meurt du côté des ennemis de la fatigue de la campagne passée.

Les officiers de cette armée me demandent avec grand empressement leur congé pour aller en Angleterre. Je les ai remis la plûpart sur ce que j’ai écrit a V.M. pour lui en demander la permission et que je l’attens; et qu’une partie de ceux la pourront aller aux recrues à quoi je crois qu’il n’y a pas de temps à perdre, surtout pour ce qui regarde l’infanterie; car pour la cavallerie elle arrivera assez à temps vers le fin d’Avril, comme aussi celle de Dannemark.

Mr Harbord doit avoir rendu compte a V.M. de l’état des regiments du pays de Londonderry et Enniskillen. Nous avons menagé cette paye en la faisant moins forte que celle des troupes Angloises qui sont venues en ce royaume. Et je crois que comme ils n’avoient rien du tout auparavant, ils devroient être contents de celle qu’ils ont presentement. Car quoique ceux d’Enniskillen aient acquis quelque reputation dans le combat qu’ils gagnèrent, il y a eu bien de bonheur de leur côté et de la confusion des ennemis qui n’etoient point ensemble. Lorsque j’ai envoyé des troupes d’Enniskillen du côté de Sligo, l’affaire a manqué, parce que la plûpart des soldâts etoient tous allés chez eux. Et je suis d’opinion qu’on se peut servir d’exemple des royaumes de France et d’Espagne, ou on ne donne pas à-beaucoup-près tant de paye aux soldâts du pays qu’ aux corps étrangers.

Mr Harbord est parti sans nous avoir laissé de l’argent pour payer les troupes. Il faut espèrer (comme il m’a mande de Highlake) qu’il en enverra de Chester; mais il nous a laissé dans une grande confusion. A l’egard des officiers il n’a point fait aucun de compte avec eux. Ils s'excusent la-dessus qu’ils n’ont point d’argent pour leur subsistance ni pour soulager leurs soldâts. Je crois que je ménage à moins l’argent de V.M. comme elle pourra voir par le contingent money; mais Mr Harbord dans les depenses generals a de la peine à se defaire de l’argent qui est justement dû, dont le retardement ne peut porter que de la confusion. Depuis qu’il est parti j’ai fait difficulté de signer les payements que les Commis font, lui-même aussi bien que moi ayant decouvert que ces dits Commis se sont faits agents de tous les regiments Anglois de cette armée, et par-là ils se mettent dans les interêts des Colonels. Jamais on n’a vu tant des gens avoir envie de voler. Pour la campagnie de Mr Harbord je ne l'ai point encore vu que l'etendard dans sa chambre. On dit que les officiers le servent de Secretaire et de Commis. Je ne vois pas que Harbord ai bien examiné les comptes du Major-General Kirk ou qu’il n’a pas osé les finir, à ce que j’apprens le dit Mr Kirk n’apportant point de quittance du payement des regiments qui étoient avec lui. Je crois aussi qu’il est necessaire de faire souvenir V.M. a faire examiner a quel prix l’argent se donne ici. Si cela est au profit de Mr Harbord, avec les droits qu’il tire sur les payements qu’il fait a l’armée comme trésorier, cela va à une somme fort considerable par an. Je suis bien faché d’importuner V.M. d’un si long mémoire. On ne peut pas se dispenser de le faire, et encore de la prier qu’elle ne le laisse pas lire publiquement.

No. 13.Lisburn, le 27 Decembre 1689. — J’ai bien fait des reflexions sur se que V.M. m’a fait la grace de m’ecrire du 10 (20) Decembre, et sans l’ennuyer de l’étât de mon indisposition je puis l’assurer que mon envie d’aller en Angleterre n’est venue que de la, et que les medecins croyent que l’air et les eaux chaudes me guériroient de ce mal dont mon fils l’aura entretenu à present. Il y en a en Angleterre qui croyent que je me sers de ce mal pour un pretexte, quoique cela ne soit pas vrai. J’avoue, Sire, que sans une profonde soumission que j’ai aux volontés de V.M. je prefererois l’honneur d’être souffert aupres d’elle au commandement d’une armée en Irland comme etoit composée celle de la campagne passée; et si j’eusse hasardé une bataille (ce qui étoit difficile à faire si les ennemis eussent voulu demeurer dans leur camp) j’aurois peutêtre perdu tout ce qu’elle a dans ce royaume, sans parler des consequences qui en seroient ensuivies en Ecosse jusques en Angleterre. M’étant trouvé dans un tel étât, aidé de fort peu de personnes, chargé d’une infinité de details qui m’occupoient (pendant que d’autres Generaux ne songent qu’ au plus importante d’une guerre), je dis, Sire, qu’il n’y a que mon devouement pour les commandements de V.M. qui m’oblige à sacrifier la santé qui me reste pour son service. Je souhaite seulement que ce mal ne m’empéche pas d’agir comme je le voudrois. Lorsque je l’ai pu faire je me suis presque chargé de tout; n’étant pas beaucoup soulagé des Officiers Generaux Anglois ou Ecossois. D’ailleurs ce qui peut rebuter le plus de cet emploi ici, c’est que je vois par le passé, qu’il sera difficile à l’avenir de contenter les parlements et les peuples. qui sont prevenus qu’un soldât Anglois,[1] quoique nouvellement lévé, en battra plus de six des ennemis. L’on auroit tort de m’envier cet emploi pour les profits que j’en tire. Je n’ai pas encore trouvé cette invention; quand je l’aurois decouverte, je ne la pratiquerois pas, me contentant des appointements que Ton me donne, etque Ton voit bien ici que j’en dépense le double.

No. 14.Lisburn, le 30 Decembre 1689. — Comme j’allois faire partir plusieurs mémoires pour V.M. un exprès m’apportoit de sa part son billet du 16 (26) Decembre par laquelle V.M. m’a mandé qu’ Elle trouve la saison trop avancée pour envoyer Trelawny ici avec ses troupes du côté de Cork, et qu’elle m’enverra l’infanterie Danoise pour nous fortifier dans nos quartiers. Cela empechera les ennemis à s’en approcher. Les maladies commencent à se diminuer. V.M. trouvera par les rôles des montres que nous sommes plus forts que nous ne sommes pas. Je crois que si V.M. faisoit chasser tous les commissaires des montres ce seroit le mieux (les officiers pour l’argent en font ce qu’ils veulent), et se servir de la methode d’Hollande, les capitaines de l’armée s’obligeants a tenir leurs compagnies complétes le premier de Mai, et chatier ceux qui y manqueront.

My Lord Lisburne, dont le regiment est le plus foible, l’a fait passer fort. Il a mêlé 200 Irlandois. Je lui ai dit que l’intention de V.M. n’étoit pas de mêler des Irlandois parmi les regiments Anglois, mais de laisser les Irlandois aux regiments d’Enniskillen et Londonderry. La conduite de Mylord Lisburne n’est pas bonne. Il passe la vie à jouer et boire. Peu de vin l’enivre; après cela il tient des discours avec les officiers, qui vont jusqu’ aux soldâts, qui sont pernicieux au service. Puisque V.M. lui a permis d’aller en Angleterre, je crois qu’il vaudroit mieux qu’il y demeura et que son regiment fut mis dans un autre. Pour les regiments à reformer, je les ferai executer comme V.M. me l’ordonne. Et j’espère qu’elle ne désapprouvera de ce que j’ai fait, par l’avis des Majors-Generaux Schravemor, Kirk et Lanier, de mettre le regiment de Drogheda dans celui de Gower, puisqu’il n’y a pas de Colonel ni Lieutenant-Colonel, et en laisser le commandement à my Lord Drogheda.

J’envoie aussi çi-joint l’étât des regiments levés en Irlande et la reduction de la cavallerie. J’espère que V.M. l’approuvera et l’étât de leur payement. Il ne faut pas faire étât sur ces troupes-la que comme sur les cravates. Un jour d’une bataille ils se jeteront toujours sur le premier pillage. Mr. Harbord en pensa a faire l’experience; ayant voulu aller avec le Conte de Schonberg armé de son mousqueton, il tomba en bas de son cheval. Cinq ou six cavaliers d’Enniskillen commencèrent à le deshabiller et de le depouiller, quoiqu’il cria qu’il étoit le pay-master, qu’il donneroit de l’argent afin qu’on ramena au camp. Un Officier Francais en passant l’ayant reconnu, les Enniskillens le ramenèrent.

Mais de cette histoire il faut passer à une plus sérieuse, qui est qu’il [Harbord] est allé sans nous laisser d’argent pour les troupes. Cela cause deja de désordre dans les quartiers ou il y en a qui ne payent pas leurs hôtes. Je m’en vais travailler à voir si je puis emprunter quelqu ’argent des douanes de V.M. dont le revenu commence à être considerable. J’ai épargné à V.M. sur le train d’artillerie, depuis que je suis ici, trois milles livres sterlings; elle le trouvera de même si elle fait examiner les comptes du contingent money. Comme je n’aime pas à piller, je tâche autant que je puis que V.M. ne le soit pas par des gens qui ne pensent qu’ à cela ici. Ayant examiné le mémoire (que j’envoie à V.M. par le paquêt que j’envoie à Mr. Blathwait) de la manière qu’on payoit ici les officiers du temps du Roi Charles Second, la paye y est aussi haute que celle des officiers en Angleterre; cela ne me paroit pas juste, V.M. pourroit en diminuer au moins un quart.

No. 15.Le 4 Janvier 1690. — Voyant le regiment de Delamere en si mauvais ordre, j’ai été obligé d’en donner le commandement au Colonel Russell. Peutêtre Mylord Delamere le trouvera-t-il mauvais de moi, si V.M. ne lui dit qu’Elle me l’a commandé. Celui qui en étoit Major s’étant retiré, (à cause du Lieutenant-Colonel Broadnax qui s’en est allé), je lui ai fait écrire de venir. Si V.M. l’agrée on le fera Lieutenant-Colonel. Mylord Delamere aussi bien que d’autres Colonels en Angleterre envoyent ici des mémoires avec des gens d’Angleterre pour les faire officiers, parmi lesquels il y en a peu qui meritent de l’être.

No. 16.Lisburn, le 9 Janvier 1690. — J’ai pressé de partir le Capitaine St. Saveur afin que V.M. fût informé de l’embarras ou je me trouve de ce que Mr. Harbord nous a laissé sans argent. Il m’a fait deux ou trois tours de même a Dundalk. Quand les affaires vont mal, il s’échappe. La frayeur le prit de tomber malade. Il prit le pretexte d’aller à Belfast pour y prendre soin que les malades n’y manquassent de rien. Huit jours apres j’appris qu’il etoit allé à une assez belle maison pour y respirer un bon air sans avoir envoyé seulement un de ses gens à Belfast pour s’informer de l’étât de l’hôpital. (Je ne suis ici aidé de personne.) Je ne sais si V.M. en sera bien servi; c’est un homme qui pense trop à ses interêts particuliers.

Je suis bien aise que la cavallerie Danoise ne vient pas si tôt, car je crains que nous n’ayons pas assez de paille et de foin ici pour la cavallerie que nous y avons. Pour de l’avoine il ne tiendra qu’ à Van Humery de nous en faire venir, mais c’est un petit genie pour une telle affaire. Son associé ne vient pas d’Angleterre, et Van Humery n’a pas un sou que quelque peu d’argent que je lui ai fait prêter. Je lui ai dit de mander à son associé d’acheter une grande quantité d’avoine, dont on en peut aussi faire vendre aux officiers d’infanterie. S’ils ne font pas un meilleur equipage que l’année passée ils ne seront pas capables de servir la campagne prochaine.

Si les regiments d’infanterie Francois avoient pu obtenir de l’argent de Harbord, ils auroient deja fait partir pour des recrues en Suisse. De ces trois regiments et de celui de cavallerie V.M. a tiré plus de service que du double des autres.

V.M. aura vu par mon precedent mémoire les raisons que j’ai fait comprendre à ces troupes d’Enniskillen et Derry qu’il n’étoit pas juste qu’ils eussent leur paye aussi haute que les Anglois qui ont été envoyés par V.M. en ce royaume. Ils ne s’en eloignent pas. Mais ayant bien examiné la paye des officiers Irlandois elle est presqu’aussi haute que celle des officiers Anglois — ce qui me semble est trop pour des officiers dont les plupart sont des paysans.

Il est deux ou trois regiments de’infanterie Françoise en subsistance seulement, sans parler du décompte des officiers environ mille livres sterlings chacun. Comme le soldât ne peut rien acheter au marché, cela le me en une grande disette et en fait tomber beaucoup malade. Les Colonels n’ont pas laissé faire de partir des officiers pour faire des recrues en Suisse; mais il faudroit qu’on leur donna quelqu’ argent sur bon compte de ce qui leur est du. Ils ont écrit a Monsieur L’Estang afin qu’il recoive les ordres de V.M. sur cet article, car pour Mr. Harbord il ne finit jamais quand il est question de payer les troupes, comme je l’ai mandé â V.M.; à quoi je suis obligé d’ajouter que ce qui nous a fait manquer de medecine la campagne passée, c’est que Harbord n’a pas voulu donner de l’argent a l’apothicaire Augibaut à Londres, quoique je lui en ai parlé souvent et envoyé chez lui. Il y a d’autres plaintes ici de lui, cela seroit trop long. Son avarice n’a que trop paru, particulièrement en ce point qu’il n’a pas fait de décompte de pas un regiment, ce qui nous cause ici une grande confusion.

V.M. auroit bien besoin ici de quelques personnes de justice; ceux qui j’ai voulu employer ici ne songent qu’ à leurs interêts, et on fait plus de confusion que de bien.

Mr. Douglas, Lieutenant-General, m’a montré une lettre de Mr. le Comte de Solms, par laquelle il lui mandé qu’il a obtenu de V.M. son congé pour aller à Londres. J’ai mandé dans un de mes mémoires à V.M. qu’il ne s’etoit pas fait aimé dans cette armée; on l’a trouvé fort fier. C’est de quoi on ne se mettroit pas tant en peine, si cela etoit reparé par une grande capacité. Je ne vois pas ici d’Officiers Generaux capables de commander une aile d’une armée le jour d’une bataille. Mr. Douglas pourra dire à V.M. que les regiments qui sont sur la frontier d’Armagh, Tynan, Clones et Newry souffrent un peu de n’être pas bien logés et de coucher sur la paille. Mais si nous abandonnions ces places, cela êtreciroit nos quartiers et donneroit lieu aux ennemis de s’en prevaloir. qui ne sont pas plus à leur aise que nous, et dont il en meurt tous les jours beaucoup et de leurs paysans. La nation Angloise est si delicatement élevée que d’abord qu’ils sont hors de leur pays ils déperissent, partout ou je les ai vu servir dans les pays étrangers, les premières campagnes.

Je crois, Sire, être de mon devoir dire encore un mot sur le sujet de Mr. Harbord, dont j’ai deja parlé à V.M dans un de mes mémoires; c’est a l’égard des guinées et des cabs.[2] Ceux qui savent mieux calculer ces choses-là. que moi m’ont fait entendre, que le profit qui se retire là-dessus sur toute la depense que l’on fait pour l’armée il y a un gain de plus de 40,000 livres sterling par an. Pourvu que cela aille au profit de V.M. je suis satisfait. Il seroit bien necessaire qu’il y eût en ce pays-ci un Intendant qui eût une inspection generale; cela empecheroit bien des gens à voler.

Mr. de Schravemor a été voir la cavallerie du côté de la Comté de Down, comme il informera sans doute V.M. Je n’ai rien à ajouter, si non que les regiments de Delamere, Devonshire et Hewett sont tous composés d’officiers qui n’ont jamais vu de campagne que la dernière. Mr. Byerley, qui est Lieutenant-Colonel du regiment d’Hewett, me paroit un honnête homme et de plus appliqués, mais je ne crois pas qu’il ait jamais vu tirer un coup de pistolet. Il seroit à desirer que si V.M. lui donne le regiment, qu’ Elle y met un bon Lieutenant-Colonel. On en trouveroit bien ici qui seroient propres à cela parmi les officiers François, mais de moi-même je n’en mets pas parmi les Anglois à moins qu’ils ne le demandent.

J’ai parlé a V.M. peutêtre trop souvent des moyens pour porter des vivres avec l’armée. Van Humery (comme je lui ai dit aussi) est peu capable pour la campagne. Cependant je vois que Mr. de Schravemor le prend fort à sa protection; il en faisoit de même de Shales. Je ne pretends pas entrer dans ce secret pourquoi il le fait; mais je crois aussi qu’il est de mon devoir d’en avertir V.M., comme j’ai fait aussitôt que j’ai débarqué ici avec les troupes. Depuis que Shales est en prison et qu’il a été examiné par Sir John Topham qui a visité ses papiers, il y a trouvé cette lettre qui je n’ai pas jugé à propos qu’il laissât parmi d’autres papiers pour envoyer en Angleterre, mais qu’il falloit mieux que je l’envoyasse dans mon pacquet à V.M., laquelle peut Elle bruler apres Favoir lue si Elle juge à propos. J’aurois fait partir le dit Shales, n’etoit qu’il est malade aussi.

No. 17.Lisburn, le 10 Fevrier, 1690. — Il y a un article dans cette Depêche du Comité d’Irlande, qui est de payer les regiments de Londonderry et Enniskillen sur le même pied que les regiments Anglois. Puisque c’est l’intention de V.M., il faudra qu’ils se mettent sur un meilleur pied; car jusques ici ces troupes-là etoient sur un pied de libertinage, et de voler et piller. C’est ce qui a été cause que le Colonel Russell ne put mener avec lui toutes les troupes d’Enniskillen que j’avois fait partir pour se saisir du poste de Sligo et de le maintenir.

Le Lieutenant-Colonel Ross du regiment de dragons de Wynn s’en va en Angleterre pour y acheter quelques selles et brides, pour raccommoder ce regiment, lequel aussi bien que toute cette cavallerie et dragons d’Enniskillen sont fort mal montés, beaucoup d’officiers et des soldâts malfaits; mais puisque V.M. leur fait une grace particulière de les vouloir payer comme des troupes levées en Angleterre, on obligera les officiers des dits regiments à avoir des officiers et soldâts mieux-faits. V.M. ordonnera, s’il lui plait, que Mr. Harbord donne quelqu’ argent au Lieutenant-Colonel Ross pour acheter les choses necessaires et pour revenir promptement.

Je me suis défendu de donner congé à tous ceux qu’il a été possible de s’en dispenser, car tous les officiers de cette armée ont une grande envie d’aller en Angleterre. Mylord Lisburne part presentement aussi, sur la permission qu’il a obtenu par un lettre de Mylord Shrewsbury. Je lui ai dit souvent ce que V.M. m’a mandé qu’il pouvoit garder les bons hommes qu’il avoit levés depuis-peu en ce pays ici, mais qu’on ne vouloit plus de ces miserables gargons Anglois et Irlandois, dont ils sont farci leurs regiments quand ils sont passés ici.

Il est arrivé ici un ministre qui dit avoir obtenu une commission en Angleterre pour être le Chapelain du regiment de Colonel Russell. J’avois deja rempli cette place d’un autre chapelain il y a deux mois; V.M. me mandera ce qu’ Elle veut que je fasse en cela; les ecclesiastiques de ce pays sont des gens peu-attachés à leurs paroisses.

V.M. me permettra que je lui fasse souvenir de ce qui regarde la train de l’artillerie ici, afin de mettre un bon officier à la place de Glaum qui est mort. Celui qui presentement gouverne tout ce train s’appelle Holloway qui est contrôleur, et je crois le seul bon officier que nous y ayons. Il sera aussi necessaire que V.M. mande quel nombre de canon Elle veut qu’on mene à l’armée, puisque je vois par quelques lettres que V.M. pourroit venir ce mettre à la tête de son armée. Il me semble qu’il seroit necessaire qu’on mena plus de canon en campagne. Glaum m’avoit parlé d’un equipage d’artillerie que V.M. a en Hollande, qu’ Elle a fait faire pour Elle, ou il y a même quelques howitzers, — lequel seroit fort utile ici. Cela est contenu dans le mémoire que j’ai fait avec Glaum avant qu’il partit d’ici. J’aurai soin de ne point laisser manquer de poudre. Mais comme ce canon peut d’être d’un calibre qui n’a pas tout-à-fait rapport à celui de La Tour [the Tower of London], il sera necessaire que V.M. donne ordres aux dits officiers de La Tour de s’en pourvoir. Il est vrai que ceux qui y sont entendent fort-peu ces choses-là, pas même à examiner les fusils que les ouvriers leur delivrent tous les jours, qui sont fort malfaits, mal-montés, et ont de mechants ressorts.

Le Colonel Cambon m’a montré une lettre de Londres, par laquelle l’on voit, que Mr. Harbord n’est pas content de lui. Cela est venue d’une lettre-de-change que Cambon avoit tirée de Mr. Harbord à Dundalk de 800 guinées, qu’il lui donna là pour faire rendre à Londres à son agent pour payer les habits de son regiment. Les marchands, qui avoient porté la lettre-de-change chez les gens de Mr. Harbord ne l’ayant pas voulu acquitter, firent leur protêt. Cela a tellement offensé Mr. Harbord qu’il en a voulu mal à toutes les troupes Francoises ici, et qu’il a dit que le regiment de Cambon n’etoit pas de 150 hommes. Je puis assurer V.M. que quoiqu’il en sont mort beaucoup depuis qu’ils sont entrés dans leur quartier d’hiver, qu’il en restoit encore plus de 460 en santé, et depuis huit jours il lui est arrivé une fort bonne recrue de Londres de 70 hommes qui ont été levés du côté de la Suisse.

Il y auroit beaucoup à dire sur le sujet de Mr. Harbord. Je crois qu’il est connu en Angleterre, comme il est ici presentement, sur le sujet de l’interêt; et je ne puis assez exagérer le prejudice que cela a apporté au service de V.M., de ce qu’il n’a jamais voulu faire le decompté aux Colonels et Capitaines des regiments. Je crois qu’il seroit necessaire pour le service de V.M. qu’ Elle envoya ici un ordre au Commis de la Trésorerie qu’il a laissé de faire ce decompte; car quand on parle aux officiers d’avancer quelque chose à leurs compagnies lorsque l’argent manque, ils disent que comme on ne leur a point fait de décompte depuis qu’ils sont dans ce royaume, ils n’ont pas un sou pour subsister eux-mêmes. On étoit dans une grande disette d’argent, quand depuis dix jours les trente milles livres sterlings sont arrivés, lesquels j’ai fait distribuer à toutes les troupes de l’armée sur bon compte. Je supplie V.M. que cet article de Mr. Harbord ne soit lu que par Elle.

Je suis fort aise d’apprendre que V.M. a fait faire un traité avec Pereira pour les vivres, et pour les chariots pour les porter avec l’armée qui est la chose la plus essentielle. C’est a Pereira à voir que ces chariots et charrettes ne soient pas si pesantes comme on les fait à Londres, et d’avoir de bons charretiers qui sachent fourrager.

J’ai écrit souvent aux officiers de la Tour [the Tower] et à Mr. Bertie le tresorier, de nous envoyer de l’argent, car il en est dû beaucoup; et j’ai entretenu ici le train par des emprunts, que j’ai faits en tirant des lettres-de-change sur La Tour, qui n’ont point pu être acquittées. Je supplie très humblement V.M. d’ordonner qu’on donne de l’argent a Mr. Bertie afin qu’on les puisse acquitter, et que nous dependions pas de Mr. Harbord, puisque la charge de trésorier de l’artillerie n’a jamais dependu, ni en Angleterre ni ici, du trésorier de l’armée.

No. 18. Dromore, le 14 Fevrier 1690. — J’ai écrit souvent à La Tour pour faire de meilleurs armes, et de nous en envoyer incessamment; car on n’a jamais vu une armée avoir eu si peu de soin de conserver leurs armes. Mais il sera necessaire que V.M. donne des ordres exprés pour que l’on delivre de l’argent à Mr Bertie; car j’ai emprunté ici tout ce que j’ai pu trouver d’argent pour faire subsister l’artillerie.

No 19. Lisburn, le 3 Mars 1690. — Par mes derniers mémoires V.M. voit ce que je lui ai mandé sur le manquement d’argent. La necessité m’oblige encore davantage à lui representer que je vois avec regret que ses troupes au lieu de se raccommoder se ruinent de manque d’argent, et que V.M. venant ici n’aura pas la satisfaction de les voir retablis comme je le souhaiterois. Les lettres de Londres ayant venues hier pas Ecosse, je ne vois rien dans les miennes, qui me fasse espèrer que nous en ayons si-tôt; et ayant demandé à un des trésoriers de Mr. Harbord s’il ne lui avoit pas écrit qu’on a envoyé de l’argent de Chester, il m’a dit que non. Si Mr. Harbord n’en donne pas aussi pour les recrues à la cavallerie et a l’infanterie, il est a craindre que les troupes ne se mettront pas en bon étât; car les petites sommes d’argent que nous tirons des douanes de temps en temps n’est pas suffisant pour en donner aux soldâts. Les Capitaines et les officiers subalternes en prennent pour eux-mêmes, étant obligés d’en vivre aussi, puisque depuis sept mois ils n’ont point reçu de paye; et si on ne leur paye pas leur décompte de bonne heure, ils n’auront pas le temps de s’acheter quelques chevaux de charrete ou de bât [cart-horses or pack-horses] poure faire la campagne.

Mon devoir m’oblige d’en dire autant à V.M. sur le sujet d’artillerie. L’argent que j’ai emprunté ici pour la fair subsister n’a point été acquitté sur mes lettres-de-change que j’ai envoyé a La Tour. J’écris a Sir Henry Goodrick d’en parler à V.M. de lui proposer (ce qui s’est pratiqué souvent) que l’on donne quelqu’ assignation sur und fond, quoique les payements ne se font que de quelques mois après; les ouvriers ne laissent pas pour cela de trouver du credit pour subsister. J’ai mandé à mon homme d’affaires d’offrir 1000l. ou 1200l. sterlings pour être avancés aux arquebusiers. Et s’il arrivoit qu’ils n’eussent pa d’armes faites, comme je l’apprehende, ainsi que je vois par la lettre de V.M., ne pourroit-Elle pas ordonner qu’on tira 3000 ou 4000 fusils d’Amsterdam et d’Utrecht? car V.M. ne peut pas faire grand fond sur les piques; elles étoient fort-vieilles et se sont achevées de pourrir pendant les pluies de la campagne passée; pour les troupes d’Enniskillen, ils ne s’en peuvent pas servir. Ils en disent de même des mousquets.

No. 20.Lisburn, le 7 Mars 1690. — Comme la saison avance, et que V.M. pourroit arriver ici et ne pas trouver toutes choses en étât, j’aurois un extreme regret si quelque chose pouvoit retarder ses desseins; et je crois devoir lui dire ce que j’ai trouvé par experience depuis que je suis parti de Londres, que l’on ne peut point compter juste sur les officiers de l’armée qu’on emploie, soit dans les troupes, dans les vivres, ou dans l’artillerie. Et comme je suis responsable encore plus particulierement de la dernière, je trouve qu’en ce qui s’y est fait depuis quelques années on y a beaucoup trompé. Je ne mets pas dans ce rang les vieux mousquets, ni les vieilles piques qui etoient pourries, mais même ce qui a été fait depuis peu d’années en ca. Le canon a été mal fondu comme cela se voit par les pièces qui ont crevé au siége de Carrickfergus, ou l’on voit la méchante composition du metail. Il ne nous en reste qu’un. J’ai écrit à La Tour qu’on nous envoie des pièces de, 18 et de 24. Les officiers de La Tour sont si long à preparer les choses, je crains qu’ils n’arriveront pas devant V.M.

Si j’avois seulement quatre demi-canons presentement, j’assiégerois Charlemont ou on ne peut pas laisser les ennemis derriére, quand V.M. s’avancera avec son armée, sans en être beaucoup incommodé.

Avant que de finir l’article de l’artillerie, il faut redire un mot à V.M. sur le manque d’argent qu’il y a à la Tour, afin qu’ Elle ordonne aux trésoriers qu’ils en delivrent au Sieur Bertie, trésorier de La Tour, lequel étant pourvu de quelqu’ argent il puisse payer les choses necessaires que V.M. a ordonné, et pour celles que j’ai écrit, et les faire partir incessamment, parmi lesquels sont les tentes de la cavallerie et de l’infanterie dont on a precisément besoin. Et comme les vaisseaux ont un grand tour à faire, leur arrivée est incertaine et leur manquement retarderoit la marche de V.M. C’est pourquoi je la supplie très humblement d’ordonner qu’on donne un convoi aux vaisseaux de la Tour qui seront chargés, afin qu’ils puissent partir incessament.

Le Sieur Robison est arrivé ici hier-au-soir; je l’ai fort entretenu sur les moyens de fournir dès-à-present le pain de munition à toutes les troupes, et d’autant plus qu’il n’y a point d’argent pour les payer. En leur faisant fournir du pain et de fromage il faut qu’ils aient patience. Mais à l’égard des officiers j’en suis fort en peine. S’il y avoit de I'argent pour faire leur décompte. V.M. leur donnera moyen de se preparer pour la campagne; car ils manquent de tout.

Je ne devrois pas me meler de si loin d’ou provient le manquement de I'argent, et je m’étonne qui parmi de gens qui en ont tant à Londres ils ne s’en trouvent point qui offrent d’en preter à V.M. Je n’oserois me vanter de rien; mais si j’avois entre mes mains les cent milles livres sterlings que V.M. m’a fait la grace de me donner, je les ferois delivrer à celui qu’Elle voudroit pour le payement de son armée.

No. 21.Lisburn, le 22 Mars 1690. — Cette Depéche va par le Sieur Hamilton lequel Mr. Harbord emploie dans la trésorerie. Il dit que c’est pour presser Mr. Harbord de songer à envoyer promptement de l’argent. Je crois qu’il a quelqu’ affaire particulière, mais le pretexte qu’il prend ne laisse pas d’être fort-necessaire; car après tout ce que j’ai mandé à V.M. de la grande necessité ou les troupes sont faute d’argent, je n’ai plus rien à ajouter, seulement que j’ai un extreme regret de voir le prejudice que cela fera au service de V.M., et les accidents qui nous peuvent arriver ici de laisser des troupes si longtemps sans argent, si proches d’un ennemi plein d’intrigue, et dans un pays ruiné ou le soldât ne trouve rien à subsister chez son hôte, dont la plûpart n’a rien pour faire subsister sa famille. Ce manquement d’argent est cause que je remets à assiéger Charlemont; quoique nous ayons que deux pièces de canon de 18, le reste étant crevé (etant de fort méchant métail) au siége de Carrickfergus. J’en ai écrit souvent aux officiers de La Tour afin qu’ils suppliassent V.M. d’ordonner qu’il y eût un convoi pour nous mener d’autre canon et des bombes ici; mais ils s’excusent par toutes les lettres qu’ils n’ont point d’argent, pas même seulement pour en avancer aux arquebusiers pour continuer à faire travailler aux fusils que je leur ai ordonné.

En ecrivant ceci j’ai recu une lettre de Carrickfergus par laquelle on me mandé qu’il est arrivé trois vaisseaux chargées de vivres, et un ou il y a quelque poudre et bombes. Il y a six mois qu’ils sont chargés, et arrivent presentement.

Le Due de Wurtemberg est venu de son quartier ici. Il est aussi en peine de ce qu’il arrive tous les jours des vaisseaux de Highlake, et que l’argent, qui est destiné pour les troupes qu’il commande, ne vient point. Il me paroit un esprit fort-doux, patient, et qui a envie de bien faire.

  1. In the first edition of “Dalrymple” there was a misprint here [buoy instead of quoy, or quoi], and I thought that Schomberg meant “a boy recruit.” In the second quarto edition it is corrected; the meaning is “any English soldier, although a raw recruit.”
  2. Perhaps Schomberg meant by “cabs” the Irish measures of capacity for oats, &c. In Johnson’s Dictionary the word “cab” is defined thus:— “A Hebrew measure, containing about three pints English.” In Ostervald’s Bible (2 Rois vi. 25) the word is spelt KAB. More probably, Schomberg wrole caqs for caques [casks, kegs, or cags], “CAG, a barrel or wooden vessel, containing four or five gallons.” — Johnson.