The European Concert in the Eastern Question/Appendix 1

APPENDIX.


I.

Religious and Political Equality in Turkey.

(I)

The Hatti-Scheriff, or Law of the Tanzimatt, read in the plain of Gul-Hané, on 3rd November, 1839.[1]

Tout le monde sait que, dans les premiers temps de la monarchie ottomane, les préceptes glorieux du Coran et les lois de l’empire étalent une règle toujours honorée. En conséquence, l’empire croissait en force et en grandeur, et tons les sujets, sans exception, avaient acquis au plus haut degré l’aisance et la prospérité. Depuis cent cinquante ans, une succession d’accidents et de causes diverses ont fait qu’on a cessé de se conformer au code sacré des lois, et aux règlements qui en découlent, et la force et la prospérité antérieures se sont changées en faiblesse et en appauvrissement : c’est qu’en effet un empire perd toute stabilité quand il cesse d’observer ses lois.

Ces considérations sont sans cesse présentes à notre esprit, et, depuis le jour de notre avénement au trône, la pensée du bien public, de l’amélioration de l’état des provinces et du soulagement des peuples n’a cessé de l’occuper uniquement. Or, si l’on considère la position géographique des provinces ottomanes, la fertilité du sol, l’aptitude et l’intelligence des habitants, on demeurera convaincu qu’en s’appliquant à trouver les moyens efficaces, le résultat, qu’avec le secours de Dieu nous espérons atteindre, peut être obtenu dans l’espace de quelques années. Ainsi donc, plein de confiance dans le secours du Très-Haut, appuyé sur l’intercession de notre Prophète, nous jugeons convenable de chercher par des institutions nouvelles à procurer aux provinces, qui composent l’empire ottoman, le bienfait d’une bonne administration.

Ces institutions doivent principalement porter sur trois points, qui sont : 1. Les garanties qui assurent à nos sujets une parfaite sécurité quant à la vie, leur honneur et leur fortune ; 2. Un mode régulier d’asseoir et de prélever les impôts ; 3. Un mode également régulier pour la levée des soldats et la durée de leur service.

Et en effet, la vie et l’honneur ne sont-ils pas les biens les plus précieux qui existent ? Quel homme, quel que soit l’éloignement que son père lui inspire par la violence, pourra s’empêcher d’y avoir recours et de nuire par là au gouvernement et au pays, si sa vie et son honneur sont mis en danger ? Si, au contraire, il jouit à cet égard d’une sécurité parfaite, il ne s’écartera pas des voies de la loyauté, et tous ses actes concourront au bien du gouvernement et de ses frères.

S’il y a absence de sécurité à l’égard de la fortune, tout le monde reste froid à la voix du prince et de la patrie ; personne ne s’occcupe du progrès de la fortune publique, absorbé que l’on est par ses propres inquiétudes. Si, au contraire, le citoyen possède avec confiance ses propriétés de toute nature, alors, plein d’ardeur pour ses affaires, dont il cherche à élargir le cercle, afin d’étendre celui de ses jouissances, il sent chaque jour redoubler en son cœur l’amour du prince et de la patrie, le dévouement à son pays. Ces sentiments deviennent en lui la source des actions les plus louables.

Quant à l’assiette régulière et fixe des impôts, il est très important de régler cette matière ; car l’État, pour la défense de son territoire, forcé à des dépenses di verses, ne peut se procurer l’argent nécessaire pour ses armées et autres services, que par les contributions levées sur ses sujets. Quoique, grâce à Dieu, ceux de notre empire soient, depuis quelque temps, délivrés du fléau des monopoles, regardés mal à propos autrefois comme une source de revenu, un usage funeste subsiste encore, quoiqu’il ne puisse avoir que des conséquences désastreuses ; c’est celui des concessions vénales, connues sous le nom d’iltizam. Dans ce système, l’administration civile et financière d’une locality est livrée à l’arbitraire d’un seul homme, c’est-à-dire, quelquefois à la main de fer des passions les plus violentes et les plus cupides, car si ce fermier n’est pas bon, il n’aura d’autre soin que son propre avantage.

II est donc nécessaire que désormais chaque membre de la société ottomane soit taxé pour une quotité d’impôt, déterminée en raison de sa fortune et de ses facultés, et que rien au delà ne puisse être exigé de lui. II faut aussi que des lois spéciales fixent et limitent les dépenses de nos armées de terre et de mer.

Bien que, comme nous l’avons dit, la défense du pays soit une chose importante, et que ce soit un devoir pour tous les habitants de fournir des soldats à cette fin, il est devenu nécessaire d’établir des lois pour régler les contingents que devra fournir chaque localité, selon les nécessités du moment, et pour réduire à quatre ou cinq ans le temps du service militaire. Car, c’est a la fois faire une chose injuste et porter un coup mortel à l’agriculture et à l’industrie, que de prendre, sans égard à la population respective des lieux, dans l’un plus, dans l’autre moins d’hommes qu’ils n’en peuvent fournir ; de même que c’est réduire les soldats au désespoir et contribuer à la dépopulation du pays, que de les retenir toute leur vie au service.

En résumé, sans les diverses lois, dont on vient de voir la nécessité, il n’y a pour l’empire ni force, ni richesse, ni bonheur, ni tranquillité ; il doit, au contraire, les attendre de l’existence de ces lois nouvelles.

C’est pourquoi désormais la cause de tout prévenu sera jugée publiquement, conformément à notre loi divine, après enquête et examen, et tant qu’un jugement régulier ne sera point intervenu, personne ne pourra, secrètement ou publiquement, faire périr une autre personne par le poison ou par tout autre supplice.

II ne sera permis à personne de porter atteinte à l’honneur de qui que ce soit.

Chacun possédera ses propriétés de toute nature, et en disposera avec la plus entière liberté sans que personne puisse y porter obstacle. Ainsi, par exemple, les héritiers innocents d’un criminel ne seront point privés de leurs droits légaux, et les biens du criminel ne seront point confisqués.

Ces concessions impériales s’étendant à tons nos sujets, de quelque religion ou secte qu’ils puissent être, ils en jouiront sans exception. Une sécurité parfaite est donc accordée par nous aux habitants de l’empire dans leur vie, leur honneur et leur fortune, ainsi que l’exige le texte sacré de notre loi.

Quant aux autres points, comme ils doivent être réglés par le concours d’opinions éclairées, notre conseil de justice (augmenté de nouveaux membres, autant qu’il sera nécessaire), auquel se réuniront, à certains jours que nous déterminerons, nos ministres et nos notables de l’empire, s’assemblera à l’effet d’établir des lois réglementaires sur ces points de la sécurité de la vie et de la fortune, et sur celui de l’assiette des impôts. Chacun, dans ces assemblées, exposera librement ses idées, et donnera son avis.

Les lois concernant la régularisation du service militaire seront débattues au conseil militaire, tenant séance au palais du séraskier.

Dès qu’une loi sera finie, pour être à jamais valable et exécutoire, elle nous sera présentée : nous l’ornerons de notre sanction, que nous écrirons en tête, de notre main impériale.

Comme ces présentes institutions n’ont pour but que de faire refleurir la religion, le gouvernement, la nation et l’empire, nous nous engageons à ne rien faire qui y soit contraire. En gage de notre promesse, nous voulons, après les avoir déposées dans la salle qui renferme le manteau glorieux du Prophète, en présence de tons les ulémas et des grands de l’empire, faire serment par le nom de Dieu, et faire jurer ensuite les ulémas et les grands de l’empire.

Après cela, celui d’entre les ulémas ou les grands de l’empire, ou toute autre personne que ce soit, qui violerait ces institutions, subira Bans qu’on ait égard au rang, à la considération et au crédit de personne, la peine correspondante à sa faute bien constatée. Un code pénal sera rédigé à cet effet.

Comme tous les fonctionnaires de l’empire reçoivent aujourd’hui un traitement convenable, et qu’on régularisera les appointements de ceux, dont les fonctions ne seraient pas suffisamment rétribuées, une loi rigoureuse sera postée contre le trafic de la favour et des charges (richwez), que la loi divine réprouve, et qui est une des principales causes de la décadence de l’empire.

Cette nouvelle constitution a été envoyée à tous les pachas ; dans le firman qui l’accompagnait, le sultan s’exprime de la manière suivante :

Par suite et en vertu d’une ordonnance, que j’ai rendu le 26 de la lune de chaban, le corps des ulémas, tous les fonctionnaires civils et militaires, les employés de divers bureaux de mon empire, les représentants de toutes les puissances amies résidant à Constantinople, les cheiks et imams de tout rang et de toute hiérarchie, les patriarches des trois nations qui vivent sous mon sceptre, les rabbins des juifs, tous les notables et chefs des corporations de ma capitale, ont été convoqués et réunis dans la vaste place de Gulhané, située dans l’interieur de mon palais imperial.

Et en ma présence et sous les yeux de cette immense assemblée, j’ai fait donner lecture à haute et intelligible voix du Hatti-chérif émané de ma volonté souveraine, et cela afin de mettre tout le monde en position de connaître par soi-même les sentiments bienveillants qui m’animent sans relâche, le désir qui ne cesse de me préoccuper en tout ce qui regarde l’amélioration du peuple que la haute et divine Providence m’a confié. Mon visir a reçu de moi, en cette occasion, l’ordre exprès de veiller à l’entière exécution de mon Hatti-chérif, et j’ai prononcé la malédiction céleste sur tous ceux qui oseraient en enfreindre les stipulations.

J’ai invité les ulémas, les fonctionnaires et les visirs de haut rang à se rendre dans la salle qui renferme le glorieux manteau du Prophète, et c’est en leur présence que je me suis engagé par serment à observer tous les règlements que renferme mon Hatti-chérif, comme aussi à accorder mon suffrage impérial à toutes les mesures qui seront arrêtées plus tard, à la majorité des voix, en égard aux principaux articles qui y sont contenus. Je me suis de même engagé à m’abstenir de prononcer pour ou contre quelque rapport que ce soit, me fût-il parvenu secrètement ou publiquement, de l’intérieur de ma capitals et de tout autre pays sous ma domination, sans l’avoir au préalable soumis aux lois instituées, de même que j’ai juré, au nom de Dieu, de ne jamais autoriser la moindre chose qui pût paraître peu conforme aux lois établies ou à celles qui le seront plus tard.

Les fonctionnaires, réunis autour de moi, ont été invites à leur tour à prendre les mêmes engagements. Tons l’ont fait avec empressement et bonne volonté. Ils se sont engagés par serment à servir mon empire avec zèle et fidélité, et à se déclarer ennemis de ceux qui permettraient de violer ses institutions, sans avoir égard ni au rang, ni à la considération, ni au crédit du délinquant. Leur serment a été pris au nom de Dieu ; ils ont donc juré à mon exemple de s’abstenir de toute infraction aux lois établies, soit verbalement ou par écrit, par pensée ou par action, présentement ou à l’avenir.

J’ai ordonné que, d’après ce qui vient d’être dit, parfaite sécurité fût octroyée désormais à tons mes sujets musulmans ou rayas dans leur vie, leur honneur et leurs propriétés.

Comme je me suis engagé à ne jamais me prononcer centre aucun individu, dont la cause ne serait pas jugée à l’avance publiquement, et d’après les lois de l’empire, j’exige aussi que nul ne s’avise de porter la moindre atteinte à l’honneur et à la vie de mes nombreux sujets. Donc, depuis le premier jusqu’au dernier, depuis mon visir jusqu’au simple berger, chacun pourra disposer de sa fortune à son gré, et sans que nul puisse y mettre obstacle.

Ainsi, la cause d’un individu, qui aurait des réclamations à faire centre un autre individu, sera jugée publiquement, et si cette cause est conforme aux lois et juste par elle-même, il sera prononcé en sa favour ; de même, le coupable d’un crime, quel qu’il soit, subira une peine analogue à sa faute, sans qu’il puisse être passible de rien de plus. Aucun individu ne pourra être mis à mort, fût-ce la mort des plus méritées, si ce n’est aux conditions suivantes :

Il sera fait, par qui de droit, un rapport exact du crime. Ce rapport sera expédié à la capitale, où la cause du criminel devra être soumise à une enquête judiciaire, et jugée d’après les prescriptions de la loi. C’est sur cette décision que je prononcerai la peine de mort, de manière que personne ne puisse s’autoriser, à l’avenir, de nul prétexte que ce soit, pour faire périr publiquement ou clandestinement un individu quelconque.

Tout homme, tout fonctionnaire public, qui sera convaincu d’avoir transgressé ce règlement, sera lui-même puni de mort, sans égard pour son rang, ni pour son caractère, ni pour son crédit, tous, sans exception aucune, devant être considérés égaux devant la loi. Les biens du criminel cesseront, à l’avenir, d’être confisqués, ses héritiers innocents n’auront à subir en nulle manifère sa peine, et tous leurs droits légaux leur seront conservés. Toute acte arbitraire est aboli à l’avenir. Des lois réglementaires sont à la veille d’être établies, quant à ce qui a rapport aux impôts, ainsi qu’à la régularisation du service militaire. L’importance de ces deux questions exigera beaucoup d’études et de temps, avant qu’on puisse les rendre d’une manière définitive. Déjà, dans mon conseil de justice, on s’occupe sans relâche à régler la question des impôts. Le conseil militaire, siégeant au palais du séraskier, travaille de son côté avec la plus grande activité à celle de la régularisation du service militaire. En attendant que ces diverses lois soient étabiles, lois dont chacune sera sanctionnée par moi, et, par mes ordres, rendue publique, au moyen des firmans, que je ferai expédier dans tous les lieux de mon empire, les anciennes lois concernant le service militaire, ainsi que la levée des impôts, continueront à être en vigueur comme par le passé. Bien entendu, cependant, que toute espéce de vexation sera abolie, et cessera, à partir de ce moment, et qu’il sera accordé aide et protection à tous mes sujets indistinctement. Ainsi, à part les deux questions du service militaire et de l’impôt, tous les autres points, qui viennent d’être mentionnés, auront immédiatement leur pleine et entière exécution.

Et lors donc que ce firman te parviendra, empresse-toi de réunir dans une vaste place tous les chieks, ulémas, notables et autres habitants du cbef-lieu, des bourgs et des villages, pour leur donner lecture de ce firman, afin que mon intention impériale soit connue partout sans exception. Je te recommande expressément de veiller de manière à ce que l’on ne se méprenne point sur le sens et la portée qui ont dicté mon firman. Que personne ne se laisse induire en erreur quant à ce que je dis dans mon Hatti-chérif, relativement aux impôts, et qu’on ne s’imagine point, par erreur, que j’ai entendu accorder aux divers sujets de mon empire, exemption complète de droits et d’impôts. Tu leur signifieras à l’avance que des punitions exemplaires seront infligées à ceux qui, ne suivant pas les prescriptions du Hatti-chérif, et s’autorisant mal à propos de l’article qui accorde à tous mes sujets sécurité parfaite pour leur vie, leur honneur, leur fortune, se permettraient des actes de désobéissance envers les autorités constituées du pays, ou toute autorité de laquelle ils peuvent dépeudre.

II faut que chacun puisse entendre que la pensée qui a presidé à la rédaction de ce firman que je t’adresse, est uniquement suggérée par le désir où je suis, d’adopter les mesures les plus ejSicaces, afin d’accroître la prospérité et la force de mon empire, et de substituer à l’administration irrégulière qui a régné jusqu’à présent, un mode plus rationnel et plus en harmonie avec les besoins de la nation musulmane.




(2)

The Hatti-Humayoun of 18th February, 1856[2].

Qu’il soit fait ainsi.

Très-noble et éminent ministre, très-glorieux et respectable muchir, régulateur et organisateur des peuples, vous qui dirigez les affaires par votre esprit pénétrant, qui les terminez par la rectitude de votre jugement, qui consolidez heureusement l’édifice de la prospérité du pays, qui distribuez les emplois de notre cour khalifale, qui en défendez l’honneur, qui, enfin, êtes comblé des faveurs du souverain-roi, notre grand-vizir actuel, notre alter ego, Mehemed-Emin-Aali-Pacha, décoré de notre ordre impérial du Medjidié de première classe, et de la décoration du mérite personnel, que Dieu vous accorde une grandeur impérissable !

Sachez, au reçu de ce rescrit impérial, que le bonheur de tous les peuples, dont la Providence a daigné me confier le dépôt, étant la plus chère et la plus constante de mes préoccupations, l’univers entier a pu voir, depuis mon avénement, grâce à Dieu, les fruits de ma sollicitude à cet égard. Toutefois, désirant donner une plus grande extension ainsi qu’une consécration nouvelle au nouveau régime, tanzimati-khaïrïé, que j’ai eu le bonheur d’établir, afin d’arriver ainsi à un état de choses conforme à la fois à la dignité de mon gouvernement, ainsi qu’à la position éminente qu’il occupe parmi les nations civilisées ;

D’autre part, considérant que les droits augustes de ma couronne viennent, grâce à l’assistance du Très-Haut, de recevoir, à l’extérieur une consécration nouvelle, par suite des louables efforts de mes fidèles sujets de toute classe, ainsi que par la sollicitude et le généreux concours des Hautes Puissances, mes nobles alliées ; considérant dès lors, que cette époque est le commencement d’un ère nouvelle de prospérité, les sentiments généreux que je professe pour mon peuple me font un devoir de chercher aussi, à l’intérieur, et par tous les moyens possibles, le développement de la force, de la puissance et de la prospérité du pays, et de faire aussi le bonheur de mes sujets de toutes classes, unis tous entre eux par les liens d’un cordial patriotisme, comme ils sont tous égaux aux yeux de ma vive et paternelle sollicitude ;

À ces causes nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

I. Les garanties promises et accordées à tous nos sujets par le Hatti-chérif de Gulhané et par les lois du Tanzimat, sans distinction de culte, pour la sécurité de leur personne et de leurs biens, et pour la conservation de leur honneur, sont rappelées et consacrées de nouveau ; il sera pris des mesures efficaces pour que ces garanties reçoivent leur plein et entier effet.

II. Sont reconnus et maintenus, en totalité, les immunités et priviléges spirituels donnés et accordés par nos illustres ancêtres, et à des dates postérieures, aux communautés chrétiennes et autres, non musulmanes, établies dans notre empire, sous notre égide protectrice. Toutefois, chaque communauté chrétienne ou autre, non musulmane, procédera, dans un délai déterminé, à la révision et à l’examen des immunités et priviléges actuels ; à cet égard, elle discutera, par l’entremise de conseils formés ad hoc dans les patriarcats, avec notre approbation souveraine, et sous la surveillance de la Porte, les réformes qui seront exigées par le temps, ainsi que par le progrès des lumières et de la civilisation ; le conseil sera tenu de soumettre ces réformes à notre Sublime-Porte. Les pouvoirs concédés aux patriarches et aux évêques chrétiens par Sultan Mehemmed elfâtih, de glorieuse mémoire, et ses illustres successeurs, seront mis en harmonie avec l’état et la position nouvelle que nos intentions généreuses assurent à ces communions. Le principe de la nomination à vie des patriarches, après la révision des règlements d’élection aujourd’hui en vigueur, sera entièrement et sincèrement appliqué, conformément à la teneur de leur bérat (diplôme) d’investiture. Les patriarches, métropolitains (archevêques), délégués et évêques, ainsi que les grands-rabbins, prêteront serment à leur entrée en fonctions, d’aprés une formule qui sera concertée entre notre Sublime-Porte et les chefs spirituels des différentes communautés.

III. Les redevances et donatives faites actuellement au clergé, de quelque forme et nature qu’elles soient, sont entièrement supprimées ; il sera attribué, en échange, des revenus fixes aux patriarches et aux chefs de communautés ; pour les autres ecclésiastiques, il leur sera alloué, conformément à une décision ultérieure, des traitements établis dans une proportion équitable, selon l’importance de leur rang et de leur dignité. Il ne sera porté, toute-fois, aucune atteinte aux propriétés mobilières et immobilières du clergé chrétien. L’administration des affaires temporelles des communautés chrétiennes et autres, non musulmanes, sera placée sous le sauvegarde d’un conseil, dont les membres seront choisis parmi le clergé et les laïques de chaque communauté.

IV. Dans les villes, bourgades et villages, où la population appartiendra en totalité au même culte, il ne sera mis aucune entrave à la réparation ou à la restauration, d’aprés la forme primitive, des édifices consacrés au culte, ainsi que des écoles, des hôpitaux et des cimetières. Quand il sera nécessaire d’ériger de nouveaux édifices de ce genre, le plan et la forme, approuvés par le patriarche ou les chefs de communauté, devront être soumis, une fois seulement, à la Porte, qui acceptera les plans présentés, et en ordonnera l’exécution, conformément à l’irâdé (décret) imperial qui sera rendu à cet effet. Dans le cas contraire, elle fera ses observations dans un délai déterminé. Si une communauté se trouve seule dans une localité, sans être mêlée avec d’autres communions religieuses, elle ne sera soumise à aucune espèce de restriction dans l’exercice public et extérieur de son culte. Quant aux villes, bourgades et villages, composés d’habitants appartenant à différents cultes, chaque communauté pourra, dans le quartier distinct qu’elle habite, réparer et restaurer ses églises, hôpitaux, écoles et cimetières en se conformant aux principes ci-dessus indiqués.

V. Quant aux nouveaux édifices, dont la construction sera nécessaire, les patriarches ou chefs de communauté demanderont, à cet égard, l’autorisation nécessaire à la Porte ; et notre permission souveraine sera accordée, à moins qu’il n’y ait, pour le gouvernement, quelque obstacle administratif.

VI. L’intervention de l’autorité dans ces sortes de choses sera entièrement gratuite.

VII. Le gouvernement prendra les mesures énergiques et nécessaires pour assurer à chaque culte, quel que soit le nombre de ses adhérents, la pleine liberté de son exercice.

VIII. Tout mot et toute expression ou appellation tendant à rendre une classe de mes sujets inférieure à l’autre, à raison du culte, de la langue ou de la race, sont à jamais abolis et effacés du protocole administratif.

IX. La loi punira l’emploi, entre particuliers, ou de la part des agents de l’autorité, de toute expression ou qualification injurieuse ou blessante.

X. Le culte de toutes les croyances et religions existant dans mes États, y étant pratiqué en toute liberté, aucun de mes sujets ne sera empêché d’exercer la religion qu’il professe.

XI. Personne ne sera ni vexé, ni inquiété à cet égard.

XII. Personne ne sera contraint à changer de culte ou de religion.

XIII. Les agents et employés de l’État sont choisis par nous; ils sont nommés par décret impérial ; et comme tons nos sujets, sans distinction de nationalité, seront admissibles aux emplois et services publics, ils seront aptes à les occuper, selon leur capacité, et conformément à des régles dont l’application sera générale.

XIV. Tous nos sujets, sans différence ni distinctions, seront reçus dans les écoles civiles et militaires du gouvernement, pourvu qu’ils remplissent les conditions d’âge et d’examen spécifiés dans les règlements organiques des dites écoles.

XV. De plus, chaque communauté est autorisée à établir des écoles publiques pour les sciences, les arts et l’industrie ; seulement le mode d’enseignement et le cboix des professeurs de ces sortes d’écoles seront placés sous l’inspection et le contrôle d’un conseil mixte d’instruction publique, dont les membres seront nommés par nous.

XVI. Toutes les affaires commerciales et criminelles qui surviendront entre des musulmans et des sujets chrétiens ou autres non musulmans, ou bien entre sujets chrétiens ou autres, non musulmans, des rites différents, seront déférées à des tribunaux mixtes. L’audience de ces tribunaux sera publique ; les parties seront mises en présence ; les témoins qu’elles produiront affirmeront leurs dépositions sous un serment, qui sera toujours prêté selon la religion et le culte de chacun d’eux.

XVII. Les procès ayant trait aux affaires civiles seront jugés, d’après la loi religieuse et les règlements, dans les conseils mixtes des préfectures et sous-préfectures, en présence du gouverneur général et du qâdi. Les débats des causes jugées dans ces tribunaux et conseils seront publics.

XVIII. Les procès spéciaux, tels que ceux de succession, soit entre deux chrétiens, soit entre deux autres sujets non musulmans, pourront, à la demande des parties, être renvoyés par-devant les patriarches, les chefs de communautés et les conseils des dites communautés pour y être jugés.

XIX. Les lois pénales et commerciales, ainsi que les règles de procédure à appliquer dans les tribunaux mixtes seront complétées le plus promptement possible ; elles seront coordonnées et codifiées, puis ensuite publiées et repandues, en traduction, dans les différents idiomes usités dans nos États.

XX. On procédera, dans le plus bref délai possible, à la réforme du système pénitentiaire des prisons et de tous autres lieux destines à la detention preventive ou correctionnelle, afin de concilier les droits de l'humanité avec ceux de la justice.

XXI. En tout état de cause, et même dans les prisons, toute peine corporelle, à l'exception de ce qui est conforme aux règlements disciplinaires émanés de la Porte, et tout traitement qui ressemblerait aux tourments et à la torture sont radicalement supprimés et abolis.

XXII. Les actes de cruauté qui viendront à se produire, en contravention avec ce qui précède, seront blames et reprimés ; et, de plus, les agents qui les auront ordonnés et ceux qui les auront commis seront destitués et punis, aux termes du Code pénal.

XXIII. L'organisation de la police dans la capitale, dans les provinces et dans les campagnes, sera révisée dans une forme qui assure une protection énergique et réelle aux sujets paisibles de notre empire, quant à leur personne et à leurs biens.

XXIV. L'égalité des impôts entrainant l'égalité des autres charges, de même que celle des droits entraine aussi celle des devoirs, les chrétiens et autres sujets non musulmans devront, comme les musulmans, se soumettre à la loi dernièrement promulguée sur la levée du contingent militaire.

XXV. Le principe de l'exemption personnelle du service militaire, soit par le remplacement, soit par le rachat, sera admis.

XXVI. Les règlements nécessaires sur le mode d'admission des sujets non musulmans dans les rangs de l'armée seront dresses et publics dans le plus bref délai possible.

XXVII. On procédera à la réforme des réglements relatifs à la composition des conseils de prefecture et de sous-prefecture, afin d'assurer la sincérité du choix des membres musulmans, chrétiens et autres, et de garantir la libre manifestation des votes. La Porte avisera à l'emploi des moyens les plus efficaces pour être informée exactement du résultat des deliberations, ainsi que pour connaître et contrôler les décisions prises.

XXVIII. Comme les lois qui régissent l'achat, la vente et la possession des proprietés immobilières sont communes à tous les sujets ottomans, il est également permis aux strangers de posséder des immeubles, en se conformant aux lois du pays et aux réglements de police locale, et en acquittant les mêmes droits que les indigènes, après, toutefois, les arrangements qui auront lieu entre mon gouvernement et les puissances étrangères.

XXIX. Les impôts, exigibles de tous nos sujets, seront perçus au meme titre, sans distinction de classe ni de culte. On avisera aux moyens les plus prompts de reformer les abus existants aujourd'hui dans la perception des impôts et notamment des dimes. Le système de la perception directe de I'impot sera successivement, et autant que possible, substitue au regime d'affermage des revenus de l'État. Tant que le système actuel demeurera en vigueur, il sera interdit, sous des peines sévères, aux agents de la Porte, ainsi qu'aux membres de medjlis, de se rendre adjudicataires des fermes, dont les enchères, d'ailleurs, seront faites publiquement, ou de prendre aucune part dans leur exploitation.

XXX. Les impositions locales seront, autant que possible, établies et fixées de manière à ne pas nuire aux productions territoriales, et à ne pas entraver le commerce intérieur.

XXXI. Aux allocations convenables, qui seront déterminées et affectées aux travaux d'utilité publique, viendront se joindre les impositions spéciales, qui seront prelevées sur les provinces appelées à jouir de l'établissement des voies de communication par terre et par eau.

XXXII. Un règlement special ayant été fait dernièrement sur la rédaction et la presentation du budget de l'État, on s'attachera à l'appliquer dans toute son exactitude.

XXXIII. On procedéra à la juste revision des traitements affectés à chaque emploi.

XXXIV. Les chefs de communautés, assistes d'un delegué de chacune d'elles, désigné par nous, seront convoques spécialement par notre grand vizir, pour prendre part aux deliberations du grand conseil, dans les circonstances qui interesseront la generality de nos sujets ; les délegués seront nommés pour une année ; ils prêteront serment à leur entrée en fonctions.

XXXV. Les membres du grand conseil, dans les reunions ordinaires ou extraordinaires, emettront librement leur avis et leur vote ; ils ne seront aucunement inquiètes à cet égard.

XXXVI. Les dispositions de la loi sur la corruption, la concussion et la malversation seront appliquees, d'après les formes légales, à tons nos sujets, à quelque classe qu'ils appartiennent, et quelles que soient leurs fonctions.

XXXVII. II sera créé des banques et d'autres institutions du même genre, pour donner du crédit aux finances du pays et pour réformer le système monetaire; on affectera les capitaux nécessaires aux objets qui constituent la source de la richesse materielle de notre empire ; on s'appliquera enfin à donner de véritables facilites, en ouvrant les routes et les canaux necessaires au transport des produits du sol, et en écartant tout ce qui opposerait au développement de l'agriculture et du commerce. XXXVIII. Dans ce but, on devra s'attacher sans cesse à aviser scrupuleusement aux moyens de mettre à profit les sciences, les connaissances et les capitaux de l'Europe.

Vous ferez done publier, noble vizir, cet auguste firman dans les formes usitées, taut à Constantinople que dans les provinces de l'empire; vous veillerez à l'exécution de sa teneur, et vous prendrez les mesures nécessaires pour que ces dispositions soient à jamais exécutées. Sachez-le ainsi; ayez confiance dans ce noble signe.



(3)

Extracts from the Ottoman Constitution,'promulgated on 23rd December, 1876[3].

Art. VIII. Tous les sujets de l'Empire sont indistinctement appelés ottomans, quelle que soit la religion qu'ils professent. La qualité d'ottoman s'acquiert et se perd suivant les cas spécifiés par la loi.

Art. XI. L'Islamisme est la religion de l'État. Tout en sauve-gardant ce principe, l´État protège le libre exercice de tous les cultes reconnus dans l'Empire, et maintient les priviléges religieux accordés aux diverses communautés, à la condition qu'il ne soit pas porté atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.

Art. XVII. Tous les ottomans sont égaux devant la loi. Ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs envers le pays, sans préjudice de ce qui concerne la religion.

Art. XVIII. L'admission aux fonctions publiques a pour condition la connaissance du Turc, qui est la langue officielle de l'État.

Art. XIX. Tous les ottomans sont admis aux fonctions publiques suivant leurs aptitudes, leur mérite et leur capacité.

  1. Législation Ottomane, ii. p. 7.
  2. Législation Ottomane, ii. p. 14. This is the Firman mentioned in Art. 9 of the Treaty of Paris, supra, p. 246. It was followed by the publication of Codes of several departments of law. On the results produced by this Firman, see a mémoire presented to the Powers by the Porte, of 15th May, 1867, printed in Législ. Ottom. ii. p. 24.
  3. Annuaire de l'Institut de Droit International, 1878, p. 296.