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DR. SWIFT.
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IL y a plus d'un mois que j'aye recu votre lettre du 4e Juillet, monsieur; mais l'exemplaire de la 2de édition de votre ouvrage ne m'a pas été encore remis. J'ai lû la préface de la première; et vous me permettrez de vous dire, que j'aye été fort surpris d'y voir, qu'en me donnant pour patrie un pais, dans lequel je suis né, vous avez trouvé à propos de m'attribuer un livre, qui porte le nom de son auteur, qui a eu le malheur de déplaire à quelques uns de nos ministres, et que je n'ai jamais avoué. Cette plainte, que je fais de votre conduite à mon égard, ne m'empêche pas de vous rendre justice. Les traducteurs donnent pour la plupart des louanges excessives aux ouvrages qu'ils traduisent, et s'imaginent peut-être, que leur réputation dépend en quelque façon de celles des auteurs, qu'ils ont choisis. Mais vous avez senti vos forces, qui vous mettent au dessus de pareilles précautions. Capable de corriger un mauvais livre, entreprise plus difficile, que celle d'en composer un bon, vous n'avez pas craint, de donner au public la traduction d'un ouvrage, que vous assurez être plein de polissoneries, de sottises, de puérilités, &c. Nous convenons ici, que le goût des nations n'est pas toujours le méme. Mais nous sommes portés à croire, que le bon gout est le même par tout, où il y a des gens d'esprit, de jugement & de sçavoir. Si donc les livres du sieur Gulliver ne sont calculés que pour les isles Britanniques, ce voyageur doit passer pour un très pitoyable écrivain. Les mêmes vices & les mêmes folies regnent par tout; du moins, dans tous les pays civilisés de l'Europe: & l'auteur, qui n'écrit que pour une ville,

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