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LETTERS TO AND FROM

une province, un royaume, ou même un siècle, mérite si peu d'être traduit, qu'il ne mérite pas d'être lû.

Les partisans de ce Gulliver, qui ne laissent pas d'être en fort grand nombre chez nous, soutiennent, que son livre durera autant que notre langage, parce qu'il ne tire pas son mérite de certaines modes ou manières de penser et de parler, mais d'une suite d'observations sur les imperfections, les folies, et les vices de l'homme.

Vous jugez bien, que les gens, dont je viens de vous parler, n'approuvent pas fort votre critique; et vous serez sans doute surpris de sçavoir, qu'ils regardent ce chirurgien de vaisseau, comme un auteur grave, qui ne sort jamais de son sérieux, qui n'emprunte aucun fard, qui ne se pique point d'avoir de l'esprit, et qui se contente de communiquer au public, dans une narration simple et naive, les avantures, qui lui sont arrivées, et les choses qu'il a vûes, ou entendues dire pendant ses voyages.

Quant à l'article qui regarde milord Carteret, sans m'informer d'où voustirez vos mémoires, je vous dirai, que vous n'avez écrit que la moitié de la vérité; et que ce Drapier, ou réel ou supposé, a sauvé i'Irlande, en menant toute la nation contre un projet, qui devoit enrichir au dépens du public un certain nombre de particuliers.

Plusieurs accidens, qui sont arrivés, m'empêcheront de faire le voyage de France présentement, et je ne suis plus assez jeune pour me flatter de retrouver un autre occasion. Je sçais, que j'aye perdû beaucoup, et je suis très sensible à cette perte. L'unique consolation, qui me reste, c'est de songer, que j'en supporterai mieux le pays, auquel la fortune m'a condamne.

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